Cinquantième Formule 1 construite dans les usines de Maranello, la Ferrari F2004 constitue l’apogée de la domination technologique de la Scuderia. Conçue par le trio Rory Byrne-Ross Brawn-Aldo Costa, la monoplace italienne va atomiser la concurrence grâce à une aérodynamique parfaite et une fiabilité exemplaire. Rendue intouchable par sa faculté à économiser ses pneus Bridgestone, elle rafle 15 victoires et 12 pole positions lors d’une saison 2004 marquée au fer rouge.
Installée au sommet de la Formule 1 depuis l’entame du second millénaire, Ferrari s’est transformée au fil des années en véritable machine de guerre. Menée d’une main de fer par Jean Todt, la Scuderia est parvenue à effacer 21 ans de disette dans la quête du titre de champion du monde pilote et n’a depuis plus jamais été vaincue par quiconque. Paroxysme de la domination outrancière des hommes de Maranello, la saison 2002 a vu Michael Schumacher coiffer sa cinquième couronne mondiale dès la 11ème épreuve de la saison en France. Face à ce raz de marré rouge, la FIA a été contrainte de revoir sa réglementation en profondeur afin de redonner un peu d’attrait à une discipline placée sous le joug de l’écurie la plus titrée de l’histoire.
Disputé comme jamais, l’exercice 2003 voit huit pilotes différents s’imposer dans un championnat de nouveau dominer par le duo Schumacher-Ferrari. Ébranlée par une jeunesse insouciante (avec en fer de lance Kimi Räikkönen, Juan-Pablo Montoya ou Fernando Alonso) et le retour au premier plan des pneus Michelin, la forteresse transalpine a dangereusement vacillé au point que certains observateurs n’hésitent pas à annoncer la fin de son règne à l’aube de l’année 2004. Imbattable depuis la saison 2000, la Scuderia serait-elle rassasiée, voir blasée par la conquête de cinq titres constructeurs et quatre couronnes pilotes consécutifs ? Que nenni ! Plus déterminée que jamais à asseoir sa domination sur la F1, la doyenne des écuries inventorie pendant l’hiver les faiblesses de la F2003-GA (en hommage à Giovanni Agnelli) dans le but d’élaborer la meilleure des Ferrari jamais construite.
Un chef d’œuvre d’aérodynamisme
Répondant au nom de code 655, le nouveau projet des têtes pensantes de Maranello s’inspire directement de la sublime F2002 et tend à corriger les défauts de sa devancière. Longue et agressive, la F2003-GA se montrait également trop exigeante avec ses gommes, une carence qui a failli lui coûté le titre face à la montée en puissance des équipes chaussées par Michelin. Déjà très étroit depuis le début de leur collaboration en 1999, le partenariat technique entre Bridgestone et Ferrari s’intensifie encore d’avantage pendant l’intersaison 2004 afin de ne plus revivre les difficultés de l’an dernier. Dessinée par le trio Rory Byrne-Ross Brawn-Aldo Costa, la F2004 affiche une aérodynamique particulièrement léchée et mise sur la miniaturisation à outrance de ses organes internes.
Boîte de vitesse, transmission, châssis, suspension : la chasse aux kilos superflus n’épargne aucunes pièces de la dernière création de la Scuderia. Dotée d’un centre de gravité plus bas, elle bénéficie d’une meilleure répartition des masses à la faveur d’un très long, l’équipe ayant prix le pari de repousser au plus tard la sortie en piste de son dernier bébé, et minutieux travail en soufflerie. Équipée de toutes nouvelles suspensions à l’avant comme à l’arrière, la F2004 opte également pour un empattement moins long toujours dans l’optique d’améliorer le comportement dynamique de la voiture et de mieux utiliser ses gommes Bridgestone. Autre modification de taille : le 053, ultime évolution du moteur Ferrari, a lui aussi subi une importante cure d’amaigrissement grâce à l’emploi de nouveau matériaux.
Une efficacité redoutable
Adapté aux nouvelles règles en vigueur, les moteurs devant désormais couvrir l’intégralité du week-end soit près de 700 km contre 350 km auparavant, le bloc Ferrari réalise pourtant un nouveau pas en avant en termes de performance sans pour autant renier une fiabilité si chère aux yeux de Jean Todt. Réalisé en fusion de titane, la boîte de vitesse conserve ses sept rapports, mais ne jouit plus de passages automatiques comme c’était le cas depuis la libéralisation de l’électronique en 2002. Cette contrariété technique n’entravera en rien le potentiel de la bête. Bien au contraire. Si la F2004 ne prend la piste que très tardivement tout en cultivant malicieusement le secret, Ferrari choisit, contrairement aux deux précédentes saisons, d’aligner sa nouvelle voiture dès l’ouverture du championnat.
Et pour cause la dernière née des ateliers de Maranello a pulvérisé le record du tour du tracé d’Imola dès le mois de février avant de descendre sous la barre symbolique des 56 secondes sur la piste de Fiorano (0’55’’999) aux mains de Michael Schumacher. En pole position lors de la manche d’ouverture devant son coéquipier Rubens Barrichello, l’Allemand ouvre son année sur une démonstration. Redoutable d’efficacité et extrêmement fiable, la F2004 a cloué le bec à tous ses détracteurs et démontré dans les rues de Melbourne son impitoyable suprématie. Le scénario se répète deux semaines plus tard en Malaisie à ceci près que « Rubinho » n’accompagne pas le « Baron rouge » sur la première ligne en qualification et sur le podium en course. L’anomalie est corrigée dès la troisième manche à Bahreïn où le duo de la Scuderia s’offre un doublé péremptoire, rejetant la concurrence à près de 30 secondes.
La Ferrari la plus victorieuse de l’histoire
Premier pilote à faire trébucher Schumacher dans l’exercice du tour chronométré à Imola sur les terres de Ferrari, Jenson Button ne pourra que constater la supériorité de la dernière création des ateliers de Maranello le lendemain en course. La maestria du « Kaiser » et la finesse stratégique de la Scuderia ayant fait le reste. Si on excepte le couac monégasque, Schumacher abandonne après avoir été percuté par Juan-Pablo Montoya dans le tunnel sous régime de voiture de sécurité tandis que Barrichello termine à plus d’une minute du vainqueur Jarno Trulli, la F2004 affiche un bilan quasi parfait de 12 victoires en 13 Grand Prix aux mains de « Schumi ». Symbiose parfaite de vitesse, fiabilité et d’agilité, la monoplace rouge imprime sa domination sur tous les circuits du calendrier et ne doit son sacre tardif (enfin tout est relatif) à Spa qu’au nouveau barème de points entré en vigueur depuis 2003.
Logiquement sacré pour la septième fois de sa carrière sur la piste de ses débuts en F1, Schumacher laissera ensuite à son coéquipier brésilien le loisir de faire briller la création du trio Byrne-Brawn-Costa. Titrée championne du monde des constructions une sixième fois consécutive, la Scuderia totalise en fin de saison 262 unités soit plus que le duo Bar-Renault (224) ou que les sept autres équipes réunies (216). De son côté Schumacher (148) compte près du double de points sur le troisième Button (85). Souveraine d’un bout à l’autre du championnat, la monoplace italienne aura raflé 15 victoires, 12 pole positions et 14 meilleurs tours en course. Des chiffres qui donnent le tournis et qui font encore à ce jour de la F2004 la Ferrari la plus victorieuse de l’histoire.