Le 5 décembre 2008, Honda décide de quitter la F1 et laisse derrière lui une équipe.
« Honda doit protéger ses activités de base et assurer le long terme alors que les incertitudes généralisées dans les économies du monde entier continuent à monter », déclarait Takeo Fukui, le directeur général de Honda lors d’une conférence de presse à Tokyo. Il faut dire qu’à cette époque, le contexte n’est pas favorable pour le constructeur nippon. Chute des ventes de voitures dans le monde entier, une hausse du Yen, autant de facteurs qui ont obligé Honda à revoir ses priorités et donc de ne plus dépenser 200 millions d’euros pour faire tourner une équipe de F1 aux résultats catastrophiques depuis deux saisons. Aussi, une autre raison concerne la technologie F1 en elle-même, avec une « étiquette verte » qui tarde à s’engager dans le pinacle du sport automobile.
Ross Brawn, le sauveur
Certains pensaient l’aventure finie mais que nenni, Ross Brawn réussit à faire un coup de maître et se voit transmettre la propriété de l’équipe début mars 2009. L’équipe est alors renommée BrawnGP, motorisée par Mercedes et l’histoire est celle que nous connaissons, à savoir un double titre de Champion du Monde.
En bonus , il trouve dans la corbeille, toutes les notes d'études et de recherche de l'écurie Super Aguri, véritable équipe « B » de Honda . Bien que non quantifiable cet apport est conséquent puisqu'il est à l'origine du double diffuseur miraculeux qui apportera un avantage technique en 2009.
Il faut dire que Ross Brawn s’est donné les moyens (même si on lui en a donné aussi) de réussir. Pour la saison, Ross Brawn a pu profiter d’un budget de 273 millions d’euros, soit une augmentation de 36%. Cet argent provient des sponsors, des revenus de la FOM mais aussi de Honda qui a financé l’équipe jusqu’en mars 2009, ce qui signifie le développement de la voiture 2009 mais aussi une petite dotation pour faire tourner l’équipe. En fin de saison, l’équipe peut se vanter d’avoir un bénéfice après impôts de 110 millions d’euros en fin d’exercice (soit 40% de son budget global sur la saison).
Mais cette aventure n’a duré qu’une heureuse saison. Le 16 novembre 2009, Mercedes, alors motoriste de l’équipe mais aussi partenaire et actionnaire à hauteur de 40% de McLaren, décide de racheter 75,1% (45,1% pour Daimler et 30% pour Aabar Investments) de l’équipe BrawnGP. Le montant de la transaction est estimé à 80 millions d’euros. Mercedes revient alors en tant qu’équipe, un retour après 45 ans d’absence et 17 ans après son retour en tant que motoriste en F1 (précisons que Mercedes a racheté 10% d’Ilmor en 1993 et a installé un « concept by Mercedes » sur la Sauber).
Ce retour se fait avec un nouveau duo de pilotes composé du septuple Champion du Monde Michael Schumacher et du jeune espoir allemand Nico Rosberg. A sa tête, le même homme, à savoir Ross Brawn secondé par Norbert Haug, responsable de la compétition de Mercedes.
La première saison de Mercedes n’est pas aussi florissante que celle de BrawnGP. L’équipe ne déroche aucune victoire mais seulement trois podiums grâce à Nico Rosberg et finit quatrième au championnat des constructeurs. En 2011, aucun podium pour l’équipe et toujours une quatrième place chez les constructeurs. L’année 2012 marque l’année de la première victoire pour l’équipe depuis 1955 mais l’équipe ne finit qu’à la cinquième place des constructeurs après une série de résultats vierge entre le Japon et les Etats-Unis.
Il faudra attendre 2013 pour voir les Mercedes jouer les premiers rôles. Lewis Hamilton remplace Michael Schumacher. L’équipe investit aussi massivement pour rattraper Red Bull, une année avant la nouvelle ère, celle du V6 turbo hybride. Côté résultat, l’équipe gagne trois Grands Prix et finit seconde du championnat des constructeurs. Côté investissement, ce ne sont pas moins de 359 millions d’euros (214 millions d’euros pour l’équipe et 145 millions d’euros pour le département moteur) qui sont dépensés.
Cela nous amène sur une analyse des dépenses de l’équipe de 2010 à 2013. En 2010, l’équipe a dépensé 147 millions d’euros, 132 millions en 2011, 179 millions en 2012 et 214 millions en 2013, soit une augmentation des dépenses sur la période de 45% ! On parle même d’un budget de 307 millions pour la saison 2014 ! En somme, ce ne sont pas loin de 672 millions d’euros qui ont été dépensés en 4 saisons sans titre. Pire, en 2013, l’équipe accuse une perte après impôts de 61 millions d’euros, une perte compensée par les réserves dont disposait l’équipe pour finalement n’être que de 12 millions d’euros.
Si on regarde de plus près, 90% des dépenses de l’équipe en 2013 sont couvertes par les sponsors, les revenus de la FOM et la réserve de l’équipe.
2014 montre une tendance qui se généralise chez Mercedes avec un budget de 189 millions d’euros pour un total des dépenses proche de 297 millions d’euros, soit un déficit de 108 millions d’euros ramené à 98 millions après impôts. Concernant les dépenses de la division moteur, elles sont compensées par les trois clients qui payent environ 20 millions d’euros par saison pour s’allouer le moteur le plus performant du plateau.
Toto Wolff, directeur de l’équipe Mercedes et actionnaire à hauteur de 30% (Daimler étant actionnaire de 60% de l’équipe et Niki Lauda de 10% de cette dernière), s’explique dans Forbes sur l’augmentation des coûts en 2013. « C’était en raison de l'augmentation des dépenses sur les améliorations en cours de saison de la voiture 2013 ; l'augmentation des coûts découlant des programmes parallèles des voitures de 2013 et 2014 et l'augmentation des coûts de personnel », indique l’Autrichien. Concernant le dernier point, en 2013, l’équipe a embauché 51 nouvelles personnes et la division moteur 21 nouvelles personnes.
Justement, la division moteur, parlons-en un peu. En 2010, Mercedes fournit 3 équipes : Mercedes, McLaren et Force India. Cela sera le cas jusqu’en 2014 où Williams s’ajoute à la liste des clients. En 2015, Lotus récupère le moteur laissé vacant par McLaren, parti faire revivre l’histoire vécue à la fin des années 80 avec Honda.
Côté chiffres, le motoriste a dépensé 186 millions d’euros en 2014 contre 169 millions d’euros en 2013, soit légèrement plus qu’en 2012 (162 millions) mais beaucoup plus qu’en 2011 (146 millions) et qu’en 2010 (95 millions). Il ne faut pas oublier un détail important dans ces dépenses, c’est le coût de développement des nouveaux V6 turbo hybride, commencé milieu d’année 2011. Parmi tous les montants cités, la part que Stuttgart prend en charge n’est pas comprise, difficilement quantifiable.
Mais le succès de l’équipe ne repose pas que sur ses moyens humains ou financiers mais aussi sur la voiture et le moteur. « Je dirais qu’aujourd'hui, le succès de l'équipe repose sur le fait que nous puissions faire appel à l'expertise en Allemagne. A Stuttgart, ils ont une importante unité de recherche et de développement. Ils nous aident à résoudre de nombreux problèmes. Ils nous aident à innover », déclare Toto Wolff à Forbes. Cependant, on peut voir que pour être Champion du Monde, il ne faut pas hésiter à s’en donner les moyens, des moyens que toutes les équipes ne peuvent pas avoir faute d’un soutien financier digne de ce nom.