L'affrontement entre la FIA et l'Europe ne date pas d'aujourd'hui. Il y a déjà eu un passif dans cette relation à contre-sens. 

Les premiers faits remontent à 1997. A cette époque, Max Mosley est à la tête de la FIA. Aussi, Karel Van Miert, politicien belge, est directeur de la concurrence. La rencontre entre les deux hommes s'est faite suite à une plainte déposée par une chaine de télévision.

En mai 1997, AE TV-Cooperations GmbH s'est plainte du fait que la FIA ait accordé les droits commerciaux de l'European truck racing championship à Bernie Ecclestone. Très vite, le tribunal du district de Francfort, en Allemagne, a jugé que Bernie Ecclestone et la FIA étaient en violation des clauses commerciales dans le Traité de Rome. Mais la FIA a annulé le championnat et a fait appel de la décision.

Peu de temps après, Peter Barth Ratel, organisateur du championnat de voitures de sport non officiel GTR, porte plainte contre la FIA. En effet, il est reproché à la Fédération d'avoir relancé sa propre série et donner les droits de télévision à Bernie Ecclestone.

De ces deux affaires, la FIA a remporté sa bataille juridique contre AE TV et le problème BPR a disparu lorsque Stéphane Ratel, un des fondateurs, a rejoint la FIA.

Ouverture d'une procédure formelle

A la suite des plusieurs plaintes, la Commission européenne a mené une enquête approfondie sur la manière dont le sport automobile international est organisé et exploité commercialement. Aussi, la Commission estime que la FIA abuse de sa position dominante.

Quatre problèmes ont été soulevés par la Commission :

  1. La FIA use de son pouvoir pour bloquer les séries d'épreuves qui rivalisent avec ses propres compétitions ;
  2. Elle a usé de son pouvoir pour écarter du marché une série d'épreuves concurrente ;
  3. Elle abuse de son pouvoir pour acquérir tous les droits de retransmission des compétitions automobiles internationales ;
  4. La FOA et la FIA protègent le championnat de Formule 1 contre la concurrence en immobilisant tout ce qui est nécessaire pour organiser un championnat rival.

Aucune rivalité avec la FIA

Concernant le premier point, la FIA est le seul organisme régissant le sport automobile international en Europe. Que ce soit les propriétaires des circuits, aux constructeurs de véhicules, aux organisateurs des épreuves ainsi qu'aux pilotes, il faut une licence auprès de cet organisme. Selon le rapport, les détenteurs d'une licence peuvent participer uniquement aux manifestations sportives autorisées par la FIA. Tout détenteur d'une licence ignorant cette interdiction peut se voir retirer sa licence. Aussi, en perdant sa licence délivrée par la FIA, l'intéressé se retrouve exclu de la quasi-totalité des compétitions automobiles internationales qui ont actuellement lieu en Europe.

Ecarter une série concurrente

La FIA a abusé de son pouvoir pour évincer du marché un promoteur concurrent, l'organisation GTR. Elle a alors substitué un de ses championnats à la série d'épreuves organisée par la GTR (le championnat FIA GT).

La FIA, diffuseur officiel du sport automobile

En 1995, la FIA a introduit de nouvelles règles selon lesquelles les droits de retransmission de toutes les compétitions automobiles autorisées par elle lui reviennent. Elle a ensuite cédé ces droits à International Sportworld Communicators Ltd (ISC), une société placée sous le contrôle de l'un des vice-présidents de la FIA, à savoir Bernie Ecclestone.

Pour la F1, c'est différent. Un accord a été conclu entre la FIA, la FOA et les équipes qui participent au championnat du monde, à savoir les Accords Concorde. Il existe également des accords distincts entre la FOA et les promoteurs des différents Grands Prix.

Mais ce que pointe la Commission, c'est la façon dont les choses se font. La FIA utilise son pouvoir de réglementation pour obliger les équipes participantes à lui céder les droits dont elles disposent éventuellement pour la retransmission du championnat de F1. La FIA cède alors ces droits à la FOA. Les droits des promoteurs reviennent directement à la FOA, à laquelle la FIA a conféré le pouvoir de déterminer qui peut ou non être promoteur d'un Grand Prix.

La F1 protégée de toute concurrence

La Commission s'interroge au sujet des accords entre la FOA et les différents radiodiffuseurs, les promoteurs et les équipes qui participent à la F1. En effet, ces accords visent à protéger la F1 de toute concurrence. Trois points sont mis en lumière :

  • Les contrats des promoteurs s'opposent à ce que les circuits utilisés pour les courses de F1 puissent être également utilisés pour les épreuves concurrentes ;
  • Les Accords Concorde s'opposent à ce que les équipes de F1 participent à toute autre compétition comparable pendant une très longue période ;
  • En vertu des accords conclus avec les radiodiffuseurs, ces derniers se voient infliger une lourde pénalité financière, comprise entre 33 % et 50 % du prix payé, s'ils assurent la retransmission de toute épreuve considérée par la FOA comme constituant une menace concurrentielle pour la F1.

Crise en Europe, Mosley contre-attaque

Durant l'année 1999, un rapport dénonce des fraudes, des détournements d'argent ainsi que la corruption dans l'attribution de marchés au sein de l'exécutif européen. Parmi les pointés du doigt, il y a Edith Cresson, ancienne première ministre française, et Manuel Marin, ministre espagnol. La Commission démissionne suite à cette affaire et la nouvelle Commission se met en place en septembre 1999. De ce fait, Karel Van Miert est parti, laissant sa place à Mario Monti. Suite à des fuites dans la presse sur les différentes enquêtes, la Commission a été condamnée à payer à la FIA la somme de 39 000 euros.

En février 2000, Max Mosley lance une lettre ouverte à Mario Monti. Il accuse la Commission d'avoir "fait une confusion désespérée des faits'' et dit que les fonctionnaires étaient "complètement confus au sujet de la réglementation et le fonctionnement général du sport automobile''. Il accuse également la Commission d'utiliser "l'autorité de sa position pour faire pression et exercer une pression indue sur un corps sportif au nom d'un intérêt commercial à l'extérieur''.

Mario Monti n'a pas hésité à répondre. "Ces attaques sont totalement sans fondement. Ses nouvelles critiques ont déjà fait l'objet d'une enquête interne qui a conclu qu'elles étaient tout aussi injustifiées. Les pratiques de la Commission sur les affaires concernant la compétition sont toujours aller vers une décision sur la base de preuves solides'', fin de citation.

La conclusion de l'enquête

A la suite de toutes les enquêtes, des modifications ont été introduites par la FIA et garantiront que le rôle de la FIA se limitera à celui d'un organisme de régulation sportive, sans conflits d'intérêts de nature commerciale ; les règles de la FIA ne seront pas utilisées pour prévenir ou empêcher l'apparition de nouvelles compétitions, sauf pour des raisons liées à l'organisation sûre, équitable ou ordonnée du sport automobile ; les recours internes et externes contre les décisions de la FIA seront renforcés.

Afin de prévenir les conflits d'intérêts, la FIA a vendu ses droits dans le championnat du monde de F1 qu'elle organise et autorisera désormais l'apparition d'une concurrence intermarque et intramarque potentielle entre la F1 et des courses ou formules de course similaires. Ainsi, la FIA n'aura pas d'influence sur l'exploitation commerciale du championnat de F1.

En outre, la FIA et SLEC/FOA, les entreprises chargées de l'exploitation commerciale de la F1, ont accepté diverses modifications des accords commerciaux relatifs à la F1 en vue de réduire ou de supprimer les obstacles à la création et à l'exploitation d'autres formules de compétition automobile, en particulier celles qui pourraient entrer en concurrence avec la F1. Ce résultat a été obtenu, par exemple, en supprimant dans les contrats relatifs aux circuits les restrictions concernant l'accueil d'autres événements sportifs automobiles. Enfin, il a été conclu que les contrats de diffusion serait d'un maximum de trois ans, sauf si l'investissement justifie un contrat de cinq ans.

Aujourd'hui, la FIA est au coeur d'une nouvelle plainte de la part de la Commission Européenne. Si elle se défend, la finalité de cette histoire est loin d'être résolue.