C'est certainement l'un des faits qui agacent les fans et les spectateurs qui viennent en nombre sur les circuits, pourquoi on interdit les F1 de rouler sous un tel déluge ? On pourrait évidemment penser immédiatement à l'aspect sécuritaire, les pneus Pirelli sont-ils responsables de ces interruptions de course ?

C'est lors de ce Grand Prix du Brésil 2016, que les spectateurs ont pu mettre leur patience à rude épreuve ! En effet, comme souvent ici à São Paulo les pluies diluviennes viennent agrémenter le week-end de course sur le tracé Carlos Pace. Ce n'est donc une surprise pour personne que le meeting brésilien soit perturbé par ce que les aficionados appellent ici "La Chuva" (la pluie). Et ils ont été servi en eau, du début de la course à 14h00, heure locale, jusqu'à 17h00 au drapeau à damiers, ils ont joué avec leur parapluie.

Under my umbrella

Les conditions de piste étaient dantesques, de l'eau à rendre n'importe quelle monoplace en planche de surf, comment piloter dans ces conditions-là ? Alors si le départ de la course est donné sous le régime de la voiture de sécurité, c'est tout simplement pour éviter un empilement d'épaves au premier virage !
Le public est mécontent des départs derrière le Safety-Car, des drapeaux rouges à répétition, certes, ils veulent du spectacle et de la course ! Mais une course réduite à quelques monoplaces car elles se retrouvent toutes abandonnées dans les dégagements moyennement sécuritaire, est-ce encore une course ? Ont-ils payé pour une course qui se réduirait à moins de dix monoplaces dès le dixième tour ?

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Donc, la sécurité est une valeur progressiste en F1. Ce qui a été latent jadis ne saurait justifier les agissements d'aujourd'hui et de demain ! Combien de carrières et de vies brisées par une mansuétude à l'encontre de conditions météorologiques dangereuses ? Des aménagements sur les circuits toujours en attente pour l'amélioration de la sécurité des pilotes ? La FIA se joue de l'émotion des fans à ne pas défigurer les circuits mythiques, et les promoteurs à trouver le financement pour améliorer la sécurité et le spectacle !

Pendant l'interruption du premier Drapeau Rouge, l'un des commentateurs pour Canal+, le Champion du Monde 1997 Jacques Villeneuve s'est en pris au manufacturier sino-italien, Pirelli, pour leur manque de professionnalisme quant aux gommes dédiées pour les conditions de pluie.

Quand deux pilotes s'écharpent

La réaction d'un autre ancien pilote de F1, consultant pour Canal+, alors en plateau dans les studios en France n'a pas tardé à réagir, voici leur échange :

J. Alesi : "Je voudrais juste remettre les choses un petit peu à leur place, vous exagérez beaucoup de taper comme ça sur Pirelli. Pour une seule et bonne raison, et toi Jacques (NDLR : Jacques Villeneuve) tu devrais le savoir au lieu de dire que ces pneus sont ingérables, le pneu a une fenêtre d'exploitation en température. Donc quand on s'élance avec les pneus sortis des couvertures chauffantes, ils sont immédiatement refroidis à cause du rythme peu élevé derrière le Safety-Car. Il y a forcément une situation dans laquelle le pneu n'est plus exploitable. Voilà pour la première chose."

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"Deuxième chose, aujourd'hui, un pneu Full Wet (les pneus maxi-pluie bleus) évacue 70 litres/seconde, et un intermédiaire (pneu rainuré vert) 40 litres/seconde (...) les paramètre sont différents, mais on peut dire que Pirelli fait un très bon travail ! Courir avec des pneus froids, c'est comme accélérer au maximum avec un moteur froid et avoir toutes les chances de le casser." "La Direction de Course a un peu peur de faire partir les monoplaces à 300km/h sous la pluie, mais il faut arrêter de taper sur Pirelli."

La réponse de l'intéressé

J. Villeneuve : "Je suis à moitié d'accord pour ce qui est de la température de la gomme. Le problème d'aujourd'hui n'est pas un problème d'adhérence mais d'aquaplaning ! L'aquaplaning n'est pas flagrant entre les intermédiaires et les maxi-pluie. Alors qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que la gomme maxi-pluie s'écrase, et lorsqu'elle s'écrase, elle n'évacue plus les 70 litres/seconde pour laquelle elle a été conçue ! Elle en évacue beaucoup moins !"
"J'ai couru bon nombre de courses aux conditions similaires, il y avait déjà de l'aquaplaning, mais il y avait tout de même deux fois plus d'eau, et les pneus étaient plus larges (années 80), avec des monoplaces avec moins d'appuis, et pourtant on réussissait à piloter. Le problème est là, avec toutes les avancées technologiques, les pneus ne devraient pas être moins bons, mais au contraire bien meilleur tout simplement !"

Constat à l'amiable

Et Jean Alesi de renchérir pour terminer le débat :

J. A. : "C'est sûr Jacques, tu as raison et j'ai raison ! Quand tu évoques que le pneu s'écrase, et il s'écrase pour une seule raison, c'est que la pression descend. Et si la pression est moindre, ça veut dire que le pneu est refroidi, donc c'est un cercle vicieux !" "Globalement, les techniciens comme Pirelli travaillent depuis plusieurs années, pour créer un pneu spectacle ! Car c'est la Fédération (FIA) qui a demandé un tel pneu qui se dégrade pour le spectacle. Alors on ne peut pas dire aujourd'hui que la course est interrompue à cause de Pirelli, on ne peut pas dire qu'ils ne savent pas travailler !"

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Jacques Villeneuve a entendu les missives justifiées de Jean Alesi, et a conclu à l'antenne que la faute venait du manque d'essais libres pendant la saison, notamment pour tester les pneus en condition de pluie.
Rappelons pour conclure que les F1 sont ces formidables monoplaces, fruits de nombreuses heures de recherche et de développement, et malgré les technologies embarquées qui la définissent, les F1 ne sont tout simplement pas conçues pour rouler sous la pluie.