Enfin de mieux surveiller les dépassements des limites de piste qui posent parfois des problèmes aux commissaires pour identifier si un pilote est allé au-delà ou non, la FIA introduit un test avec l'IA (Intelligence Artificielle) ce week-end à Abu Dhabi.

En plus de la Direction de Course du place lors des Grands Prix, la FIA dispose du ROC (Remote Operations Centre), soit le centre des opérations à distance. Ce "centre virtuel" qui assiste les commissaires s'est considérablement développé en 2023, Tim Malyon, responsable du Centre des opérations à distance et directeur de course adjoint de la FIA, et Chris Bentley, responsable de la stratégie des systèmes d'information pour les monoplaces, expliquent comment cela fonctionne.

Une IA pour déterminer les limites de piste dès Abu Dhabi

Tim Malyon : Le ROC a été lancé au début de la saison 2022, trois semaines avant le Grand Prix de Bahreïn, et nous sommes passés par plusieurs phases. La première consistait à mettre au point la technologie et l'architecture, je dirais donc que les 4 premières courses étaient une phase d'observation.

Puis les 4 courses suivantes ont consisté à mettre en œuvre des niveaux de technologie plus élevés pour permettre au ROC de soutenir activement le contrôle des courses, ce qui a impliqué de renforcer les lignes de communication entre le circuit et le ROC, ainsi que de déployer de nouveaux équipements et outils informatiques pour donner au ROC les mêmes outils que ceux qui existent au contrôle des courses. Enfin, je dirais que, probablement au cours du dernier tiers de l'année 2023, il a contribué activement à l'identification des problèmes et à l'application des règlements en vigueur.

Comment sont surveillées les limites de piste ?

Concernant les limites de piste, dont certains pilotes sont certainement passés au-travers d'une pénalité, Tim Malyon explique comment le ROC contribue à améliorer ce système de surveillance.

Tim Maylon : Comme la plupart des gens le savent, les limites de piste ont été mises en évidence lors du Grand Prix d'Autriche, où un certain nombre de pilotes ont été pénalisés à l'issue de la course et où quelque 1 200 transgressions potentielles des limites de piste ont été examinées. Nous avons considérablement modifié notre approche entre-temps.

À titre d'exemple, lors du récent Grand Prix du Qatar, huit personnes travaillaient sur les limites de la piste, au lieu de quatre en Autriche. À elles toutes, elles ont surveillé 820 passages en virage, qui ont ensuite été ramenés à 141 rapports envoyés au contrôle de la course, parmi lesquels ce dernier a choisi de supprimer 51 tours. Grâce à l'Autriche et aux améliorations apportées au logiciel, nous pouvons traiter ces contrôles et les transformer en 150 rapports. Il suffit maintenant de cliquer sur une liste de rapports et de dire oui ou non.

Lorsqu'il s'agit de questions telles que les limites de piste, le ROC est pour l'instant un outil de traitement des données. Va-t-il évoluer à l'avenir ? Honnêtement, je pense qu'il pourrait évoluer légèrement dans le sens de la VAR, c'est-à-dire que nous nommons des personnes travaillant à distance en tant que juges des faits dans la terminologie du sport automobile. Mais pour l'instant, il s'agit d'une ressource de traitement de données conçue pour aider le contrôle de la course.

Chris Bentley : Cela soulage la direction de course et nous permet d'augmenter le travail total effectué par cette dernière pendant une course. C'est vrai aussi pour des choses comme les pénalités de temps pendant la course. Auparavant, ces pénalités devaient être examinées par la direction de course. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.

Nous avons la possibilité, grâce à des outils logiciels, de vérifier plusieurs vidéos, de marquer l'incident comme étant analysé et de créer une vidéo composite pour la direction de course ou pour les commissaires. Encore une fois, il s'agit de prendre beaucoup de données, de les filtrer et de fournir un ensemble facile de données au contrôle de la course ou aux commissaires pour leur permettre de faire leur travail plus rapidement.

Le futur du contrôle de la piste avec l'IA ?

Tim Maylon : Ce que nous essayons de faire pour l'avenir, c'est d'améliorer toutes ces technologies et d'en déployer de nouvelles. Nous prévoyons également de doubler la taille du ROC en termes de nombre de personnes, en passant de quatre à huit, l'année prochaine, et nous doublerons la bande passante de la connexion entre la piste et Genève pour permettre à davantage de personnes de travailler à distance.

Chris Bentley : La prochaine étape est la vision par ordinateur (ce qu'ils appellent Computer Vision). Il s'agit de l'analyse des formes, où nous avons une ligne qui représente le bord de la piste et le logiciel calcule le nombre de pixels au-delà de cette ligne.

Tim Maylon : Pour l'instant, nous avons "forcé brutalement" la situation en disant "nous devons faire des milliers de vérifications, comment faire ?" Eh bien, nous envoyons des gens sur le terrain, car c'est la solution la plus précise. Ce que nous cherchons à faire maintenant, c'est introduire un niveau supérieur au ROC, et c'est le logiciel d'intelligence artificielle.

Encore une fois, cela peut paraître étrange, mais la méthodologie de cette IA présente de nombreux parallèles avec les discussions qui se déroulent actuellement en médecine et l'utilisation de la vision par ordinateur, par exemple, pour analyser les données issues du dépistage du cancer. Ce qu'ils ont conclu, c'est qu'ils ne veulent pas utiliser la vision par ordinateur pour diagnostiquer le cancer, mais pour éliminer les 80 % de cas où il n'y a manifestement pas de cancer, afin de donner aux personnes bien formées plus de temps pour examiner les 20 % restants. Et c'est ce que nous visons.

Ainsi, comme nous l'avons dit, il y a actuellement 800 pour finalement le réduire à 140 et enfin 50. L'objectif de l'IA est de ramener ces 800 cas à 50 pour éliminer ceux qui n'ont manifestement pas besoin d'être examinés par un être humain. Nous avons donc deux couches de contrôle et nous ajouterons une couche supplémentaire de vision par ordinateur en amont. Cela permettra aux utilisateurs experts du ROC d'examiner un plus petit nombre d'infractions potentielles, ce qui devrait réduire encore le nombre de rapports envoyés à la direction de course et augmenter globalement la vitesse de traitement.

Chris Bentley : Et c'est ce qui se passera ce week-end à Abu Dhabi, où nous organiserons en parallèle le programme Computer Vision. La société mère de SBG, qui fournit la plateforme RaceWatch à la FIA, s'appelle Catapult. C'est elle qui équipe les sportifs professionnels de gilets dotés de minuscules récepteurs, en NFL, au football, etc...

Il y a des exemples en NFL où ils peuvent identifier chaque joueur sur le terrain, même s'ils sont dans une foule dense. Nous pouvons également utiliser cette technologie pour nos retransmissions en direct. Ce sera la même chose que le nouvel outil, et nous pourrons alors tracer les "lignes d'intérêt". L'intelligence artificielle apprendra ensuite au fur et à mesure