En dehors des rumeurs qui animent la saison des transferts des pilotes / motoristes ou nouveaux entrants pour les écuries, nous avions presque oublié que le contrat de Pirelli prenait fin en 2016. Il est temps de renouveler le contrat, une annonce était attendue pour le mois de septembre.

Nous attendons toujours la décision concernant le futur manufacturier de la F1 pour la période 2017-2019. L’appel d’offre lancé par la FIA est clair comme le rappelle Paul Hembery : il n’y aura qu’un seul et unique fournisseur de pneus, comme c’est le cas depuis 2008. Si les fans de F1 souhaitent un retour à ce qu’on appelle « la guerre des pneus » à hauteur de 80% selon le dernier sondage GPDA, l’enjeu est bien plus important qu’une simple bataille technologique en piste.

Pirelli, seul contre tous

Depuis 2011, Pirelli, l'unique manufacturier de la discipline, dépense environ 100 millions d’euros par année. Ce dernier comprend la recherche et développement, la fabrication, la logistique, l’hospitalité et le marketing. Concernant ce dernier point, Pirelli est sponsor titre de deux Grands Prix (Espagne et Hongrie) et est sponsor secondaire sur d’autres circuits du calendrier. Le budget global de ce poste est évalué à 40 millions d’euros.

La saison passée, Pirelli a fourni 38 168 pneus aux équipes de F1 (32 772 lors des week-ends de course et 5 396 lors des essais). Parmi les pneus alloués, 26 364 étaient des slicks (affectés à une piste sèche) et le restant des pneus pluies. Ces pneus siglés P Zéro respectent un cahier des charges défini par la FIA avec quelques souhaits de la FOM. Justement, ce dernier point fait débat.

Le pneu dit « spectacle » ne plait pas. Pire encore, le dernier épisode de Spa et celui de Silverstone en 2013 ne favorise pas la cote du manufacturier. Il faut tout de même tempérer ces couacs sportifs, la dernière en date en Belgique n'étant qu'à la charge de la Scuderia Ferrari, celui de Silverstone 2013 étant une addition d'erreurs commises par les ingénieurs se jouant de la dégradation excessive des pneus en ayant (à l'époque) interverti les montes gauches et droites.

Alors l’idée d’offrir en piste – et en coulisses – une guerre des pneus prend de l’ampleur mais cette idée ne saurait servir l'intérêt de la F1, encore moins le spectacle.

Une guerre des pneus avec contraintes

Qui dit « guerre des pneus », dit en sous-entendu l’obligation pour chacun d’avoir une équipe de développement. Souvenez-vous de l’époque Bridgestone/Michelin. Le premier disposait des données recueillies par Ferrari, le second par Renault. Cela donnait un certain avantage à ces deux équipes. En cas de retour d’un duel Pirelli/Michelin, quelles équipes serviront au développement des pneus ? Et surtout, comment seront choisies les équipes qui seront fournies par l’un ou par l’autre ?

C’est là l’une des principales problématiques de ce que souhaite le fan lambda. Car, dans le meilleur scénario, l’équilibre sera à quelque chose près respecté mais peut-on croire un instant que les meilleures équipes, à savoir Ferrari, Red Bull, Mercedes, Williams et McLaren, ne vont pas sélectionner le meilleur pneu disponible ? Cela reste très incertain.

Autre point, l’évolution technologique. Michelin souhaite des pneus plus larges montés sur des jantes 18 pouces, des pneus à usure modérée qui nécessiterait qu’un unique arrêt en course. Des doléances qui, selon Christian Horner, n’offrira pas plus de spectacle. « Une jante 18 pouces et un arrêt ne va rien offrir au spectacle à un Grand Prix, et je pense qu’en fait, nous devons essayer de faire le contraire (à savoir plus d’arrêts et une dégradation contrôlée) », déclare le team manager de Red Bull.

18 pouces, la meilleure chose pour la F1 ?

Regardons de plus près les propositions de Michelin. Un pneu plus large offre une meilleure adhérence grâce à une plus large surface de gommes au sol, une diminution de l’usure et une meilleure gestion de la température du pneu. Mais son poids, 20% supérieur aux pneus actuels, alourdirait d’avantage une monoplace qu’on cherche à alléger.

Le pneu sur une jante 18 pouces impose quelques contraintes, à savoir une diminution de l’effet d’amortissement, surchauffe plus que probable des pneus (d’où le fait de devoir les élargir), le pneu ne travaille plus sur la dynamique de la F1 (c’est-à-dire qu’il ne travaille plus en torsion dans les virages d’où un risque de sous-virage –et la perte d'adhérence-), une gêne à la visibilité du fait de son diamètre plus important et enfin la jante 18 pouces altère l’aérodynamique de la voiture et impose de revoir complètement les écopes de freins et le système de suspensions et d’amortisseurs de cette dernière.

L'argent, facteur de décision ?

Il parait évident que cela sera statué sur un facteur : la rétribution financière. Clairement, l'élu sera celui dont la dot sera en corrélation avec les attentes de la FIA. Mais ne nous leurrons pas, celui qui remportera la mise sera celui qui acceptera de payer le plus. En effet, il faut comprendre que cela se jouera principalement sur le sponsoring sur circuits, comme dit précédent, Pirelli donne actuellement 40 millions d’euros en sponsoring.

Mais au-delà de cette variante, il y a aussi un homme : Bernie Ecclestone. L’argentier de la F1 a une dette envers Pirelli. N’oublions pas que la F1 est une vitrine technologique mais aussi commerciale et les différentes impressions sur les pneus depuis l’arrivée du manufacturier sino-italien ne leur ont pas servi commercialement.

D’où les différentes dispositions prises lors du week-end à Monza, avec un communiqué de la FOM mentionnant ceci : « La F1 encourage Pirelli à fournir des composés de pneus avec des limitations de performance car la dégradation des pneus contribue au challenge et au divertissement d’une course de Formule 1. Quand ils le font, Pirelli fournit une orientation forte aux compétiteurs quant aux limitations de performance des pneus. Les compétiteurs devraient tenir compte des conseils quand ils établissent leur stratégie et leurs tactiques, et s’ils ne le font pas, c’est à leurs propres risques. Pirelli peut fournir à chaque voiture un seul train de pneus durant sur toute une course. Alors que nous savons qu'ils en seraient capables, une course sans ravitaillements serait moins excitante ». Un tel communiqué montre un réel soutien sans faille à un exécuteur d’ordres.

Mais où sont les autres ?

Cependant, une chose est intrigante : pourquoi seulement deux manufacturiers ont répondu à l’appel d’offres ? Pourquoi Goodyear et Bridgestone n’y ont pas répondu ? L’argent n’est pourtant pas un frein à leur venue, le premier réalisant 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013 pour un bénéfice de 439 millions contre 25,5 milliards de CA pour un bénéfice de 1,5 milliards.

A contrario, Michelin a réalisé un chiffre de 20 milliards d’euros en 2013 pour un bénéfice de 1,1 milliard, quand Pirelli engrange 6,1 milliards d’euros pour un bénéfice de 306,5 millions d’euros sur la même période.

Goodyear a précisé ne pas vouloir participer à cet appel d’offres mais n’exclut aucun retour à l’avenir, tandis que Bridgestone a déclaré auprès d’Autosport ne pas avoir de plan de retour en F1, la marque étant connue en Europe et préférant investir dans les « technologies innovatrices et de produits stratégiques ».

La réponse à cette question brûlante de savoir qui équipera les F1 de 2017 sera connue prochainement...