Le Safety Car fait partie intégrante de la Formule 1 depuis plus de trois décennies désormais. Instrument de sécurité avant tout, il a aussi servi à relancer l'intérêt de certaines courses, voire bouleverser leur physionomie. Voici dix Grands Prix qui sont rentrés dans l'histoire grâce à cette fameuse voiture de sécurité.

Mosport 1973 : premier essai

Les années 70 virent la Formule 1 prendre progressivement conscience de ses déficiences en matière de sécurité. Sous l'impulsion notable de Jackie Stewart, les circuits durent se mettre à jour ou se retirer du calendrier faute de pouvoir répondre aux nouvelles exigences. Cela s'appliquait entre autres aux capacités d'interventions en cas d'accident.

Or le décès du rookie Roger Williamson à Zandvoort en 1973 fut en grande partie dû à l'incapacité des commissaires d'encadrer l'incendie dans lequel le Britannique resta coincé. Au point que son camarade David Purley essaya lui-même de lui venir en aide, en vain. Ainsi l'introduction d'une voiture de sécurité avait pour objectif de neutraliser la course afin de mieux sécuriser et réguler les interventions, avec les monoplaces roulant à vitesse réduite.

Après un essai durant le week-end du Grand Prix d'Autriche, le Safety Car fit ses débuts officiels à Mosport suite à l'accrochage entre Jody Scheckter et François Cevert qui nécessita l'évacuation du Français, légèrement blessé aux pieds, en ambulance. Hélas la Porsche 914 qui remplissait cette fonction se plaça devant le mauvais leader à cause d'informations erronées de la direction de course. En l'occurrence Howden Ganley (Iso Marlboro), pourtant huitième et surtout un tour derrière le vrai leader qui était Jean-Pierre Beltoise (BRM).

Cela permit au Français mais également à ses deux poursuivants, Jackie Oliver (Shadow) et Peter Revson (McLaren) de couvrir un tour de plus que leurs concurrents, leur conférant un avantage fort injuste. Au final Revson remporta la course une trentaine de secondes devant Emerson Fittipaldi, le premier lésé par ce cafouillage puisque placé juste derrière Ganley dans la file, et quatrième au moment de la neutralisation, soit le vainqueur virtuel.

Pas étonnant que le Safety Car ne refit pas surface pendant près de 20 ans après une telle entrée en matière !

Interlagos 1993 : le vrai lancement

Avec son caractère unique et isolé, on peut considérer Mosport 1973 comme un «épisode pilote » de la série d'interventions du Safety Car. Mais s'il fallut attendre 1993 pour la voir réapparaître en Grand Prix, la voiture de sécurité fut officiellement réintroduite dans le règlement sportif en cours de saison 1992. Un test intervint durant une séance d'essais du Grand Prix de Grande-Bretagne, où le véhicule choisit la Lotus de Mika Hakkinen comme leader virtuel. Sauf que le Finlandais, nullement renseigné quant à cette démarche, rentra aux stands à la fin de son tour, mettant prématurément fin à cet essai ! Deux Grands Prix plus tard en Hongrie, la présence de deux monoplaces accidentées sur la piste autour du quinzième tour aurait pu aboutir à son vrai baptême, la direction de course brandit même le fameux panneau "SC". Il n'en fut rien au final car les commissaires parvinrent à évacuer les voitures endommagées en un minimum de temps.

Sa première apparition sous la forme qu'on connaît – et sans confusion cette fois ! – s'effectua donc lors du Grand Prix du Brésil 1993 à Interlagos. La course démarra sur piste sèche avant qu'un orage tropical inonde la ligne droite des stands au bout d'une vingtaine de tours. Pris au dépourvu, les japonais Aguri Suzuki (Footwork) et Ukyo Katayama (Tyrrell) partirent en aquaplaning et rectifièrent leur monoplace dans le rail juste avant la ligne de départ/arrivée. Les deux voitures immobilisées dans une position dangereuse et l'intensité de l'averse poussèrent les autorités à utiliser le Safety Car.

Malheureusement pour Alain Prost, rester en slicks sur une piste détrempée pouvait être fatal à sa course même à vitesse réduite. Une mauvaise communication radio lui fit croire que son équipier Damon Hill était aux stands, le contraignant à une boucle supplémentaire avec des gommes inadaptées. En résulta une glissade incontrôlée de sa Williams dans le premier virage, qui se conclut dans l'arrière de la Minardi de Christian Fittipaldi, également en perdition.

Ainsi le Professeur détient – avec le Brésilien – la triste distinction du premier abandon sur sortie sous régime de voiture de sécurité...avec des circonstances fort atténuantes bien entendu. A noter que plusieurs pilotes sortirent aussi de piste à Mosport vingt ans plus tôt durant la neutralisation, mais sans conclusion prématurée de leur course.

Le Safety Car resta en place du vingt-huitième au trente-sixième tour, le temps de dégager les différentes monoplaces immobilisées. Mais une fois le véhicule rentré aux stands, la pluie avait cessé et la piste déjà séché sur la majorité du tracé, au point que Johnny Herbert (Lotus) chaussa les slicks dès la relance ! Ou comment prédire l'avenir... A noter que Jean Alesi écopa de deux Stop & Go de dix secondes pour avoir doublé deux pilotes simultanément derrière le Safety Car. D'où une rare pénalité arrêtée de vingt secondes.

Ayrton Senna remporta sa deuxième victoire à domicile devant Damon Hill (le premier podium du futur champion 1996) et Michael Schumacher. Un moment fort émouvant accompagné d'une belle accolade avec le maestro Juan-Manuel Fangio.

Spa-Francorchamps 1997 : premier départ lancé

Cette fois-ci, le Safety Car fit quelques apparitions après coup. En 1993, il effectua un come-back à Silverstone pour dégager la Lola de Luca Badoer, pourtant placée hors piste et pas dans une position particulièrement dangereuse en comparaison de la problématique d'Interlagos. Mais nécessitant d'être tractée par un véhicule d'intervention, cette précaution s'avère judicieuse avec le recul contemporain.

Il fut déployé deux fois en 1994 : à Imola après l'accrochage Lamy/Lehto du départ qui blessa quelques personnes dans les tribunes, et à Suzuka pour une situation analogue à Interlagos 1993 lorsque quelques pilotes perdirent le contrôle de leur F1 en pleine ligne droite. Interrompue au drapeau rouge plus tard, la course repartit sous le régime du Safety Car pour sa deuxième manche. En effet le classement d'un Grand Prix coupé par le drapeau rouge se calculait à l'addition du temps des deux sections de course. Ce fut le dernier à avoir appliqué ce point de règlement abandonné quelques années après. Un point qui, à l'origine, devait aussi s'appliquer aux neutralisations lorsque le Safety Car fut réintroduit en 1992.

Ce n'était donc pas une nouveauté à proprement parler d'assister à un départ lancé lors du Grand Prix de Belgique 1997. En revanche, cette course devint la première ayant officiellement démarré sous les ordres de la voiture de sécurité. Comme pour Suzuka, la pluie battante était à l'origine de cette décision. L'ironie étant que la direction de course n'eut pas cette présence d'esprit l'année suivante dans des conditions plus extrêmes encore, avec le résultat légendaire qu'on sait !

De plus, si la visibilité déplorable justifiait bien cette précaution, la pluie avait elle déjà cessé à l'extinction des feux, d'où la domination sans partage de Michael Schumacher, le seul à avoir chaussé les pneus intermédiaires face à l'armada de pneus pluie. Aussi Jean Alesi s'équipa des pneus slicks après seulement sept tours, lui permettant de retrouver la seconde place une fois le ballet des arrêts conclu.

Hélas pour lui, sa malchance légendaire lui rendit visite sous la forme d'un fond plat endommagé. Il ne put même pas marquer un point. Schumacher fut donc accompagné sur le podium par Giancarlo Fisichella (Jordan) et Mika Hakkinen (McLaren). Mais le Finlandais finit déclassé pour carburant non conforme, abandonnant donc son trophée à Heinz-Harald Frentzen sur Williams.