L'écurie Williams, aujourd'hui tenue par la fille de Sir Franck Williams, Claire Williams, connait un lent et douloureux déclin vers le fond du classement. Mais à quoi joue donc l'écurie ?
Le palmarès de l'écurie britannique est plutôt glorieux. Avec 729 Grands Prix à son actif, 44 saisons en F1, 114 victoires et 7 titres pilotes mondiaux, 9 constructeurs.
Pourquoi cette descente aux enfers ?
La dernières bonne monoplace (et encore par des circonstances favorables à leur égard) qu'ils ont produit remonte à 5 saisons (2014), 7 ans pour leur dernière victoire (Espagne 2012 - Pastor Maldonado) et... 22 ans pour voir le dernier sacre au championnat.
Mécaniquement, la Formule 1 est plus qu'un championnat, c'est aussi une entreprise où s'y imposer relève quoiqu'il en soit d'un investissement judicieux. On évitera de dire que ceux qui investissent le plus gagnent de facto car il y a quand même des exceptions. Le budget de Ferrari est le plus élevé de la saison, Mercedes n'accuse qu'une petite dizaine de millions de retard, et pourtant... Quant à certaines écuries au budget plus étriqué, comme Haas ou Racing Point (situation sur le point d'évoluer, elles font mieux que la lanterne rouge du classement : Williams.
Si l'on compare le mode de fonctionnement de l'écurie Haas, son budget est bien moindre que celui de Williams et pourtant, l'écurie américaine a accepté quelques concessions pour arriver en F1 et être rapidement performante. Du moins, depuis leur arrivée, leur niveau de performance n'a cessé d'augmenter au point qu'aujourd'hui ils revendiquent d'être la 5e force du plateau... toujours mieux qu'être la 10e et dernière du classement.
Claire Williams, s'adressant à ses employés
L'écurie Williams semble s'être enfermée dans une réalité qui est la leur... mais plus celle de la F1. Elle parait ne pas vouloir accepter les changements et l'un des discours de Claire Williams aperçu dans le documentaire Netflix en est la preuve.
"Pour être très clair, nous n'allons pas dans la voie d'être une écurie B. Vous me connaissez et vous savez très bien que ce n'est pas une solution envisageable pour moi... Vous ne lirez jamais dans la presse que Williams s'est transformé en écurie B ou junior."
Cette lente descente aux enfers qu'ils n'arrivent plus à enrayer s'explique par plusieurs mauvaises décisions qui, pour certaines, sont difficiles à annuler ou modifier. Sur certains aspects de fourniture de composants, c'est l'offre et la demande qui est restreinte quand sur d'autres critères, l'exploitation des éléments n'est pas optimisé, voire même, marginalisée.
Prenons l'exemple de la boite de vitesses où seulement 6 fournisseurs sont présents sur la grille. Mercedes équipe Racing Point, Ferrari en fait de même pour ses deux clients (Haas et Alfa Romeo), Red Bull Advanced Technologies gère les deux structures (Red Bull Racing et Scuderia Toro Rosso) alors que Renault, McLaren et Williams développent leur propre solution.
Williams aurait pu choisir celle de Mercedes mais n'ont pas choisi cette alternative au dernier moment. Williams Engineering doit certainement vouloir éprouver des systèmes pour mieux les vendre à des clients, mais la F1 se veut être sur un autre format.
La mutualisation des composants est aussi au cœur des discussions pour le futur de la F1, peut-être que Williams aurait été bien inspirée de commencer à travailler ainsi. En agissant de la sorte, Williams protège ses intérêts commerciaux pour ses clients et/ou partenaires plutôt que trouver une réelle solution à leur problème, diminuer le coût (et augmenter la rentabilité) du composant plutôt qu'essuyer les plâtres tout seul.
Prévoir le futur...
Pourtant, de son histoire, de ses installations dans son usine et des relations de longue date, il est presque anormal de voir Williams dans une telle situation. Comment l'écurie peut-elle se fourvoyer au point d'être considérée comme une écurie débutante ?
En 2014, le nouveau partenaire moteur Mercedes a permis à l'écurie de devenir la troisième force du plateau... malgré eux, peut-on en conclure aujourd'hui. Car, si le package châssis / aéro / moteur a pu fonctionner correctement sur certains circuits, le problème venait essentiellement du management.
Des personnages de talent sont venus pourtant renforcés les rangs à Grove, comme Rob Smedley accompagnant Felipe Massa, transfuge de chez Ferrari. Le jeune Valtteri Bottas a fait ses armes dans l'ère naissante du V6 Turbo chez Williams, et pourtant, c'était déjà le déclin annoncé.
En début d'année 2019 qui s'avère être la plus catastrophique en terme de résultats, de situation sportive, le directeur technique Paddy Lowe a même pris congé avant le début de la saison.
Des rumeurs insistantes sont même venues ternir encore le tableau avec un potentiel oligarque russe qui aura fait une proposition de rachat de l'écurie. Une information que l'écurie a démenti, mais gardons à l'esprit que la formation de Grove intéresse toujours, surtout si certains y voient un moyen de placer certains financements...
Et Claire-nous ta vision...
Le dernier contrat motoriste lié à l'écurie Williams comme partenaire d'usine était celui de BMW au début des années 2000 et s'est achevé à la fin de la saison 2005 lorsque les allemands ont pris la direction de l'écurie suisse Sauber.
S'en est suivie une année de transition en 2006 avec Cosworth, puis un contrat client avec Toyota pour 3 saisons, à nouveau Cosworth pour 2 saisons, Renault pour les 2 saisons suivantes jusqu'à la fin de l'ère du V8, puis Mercedes depuis 2014 et l'introduction du V6 Turbo. Il n'y a rien de stable chez Williams ces dernières années, et rien qui ne puisse en faire aujourd'hui à nouveau un top team se fait sentir !
Le volet financier mérite quand même un éclaircissement. En 2006, Cosworth a payé la facture moteur et a choisi sa paire de pilotes (Webber / Rosberg). Dès 2007, Toyota demande la présence du pilote japonais Kazuki Nakajima en réserviste pour alléger le montant réclamé à Williams.
L'année suivante, Kazuki Nakajima est promu en tant que titulaire, on imagine donc que la facture s'est aussi amenuisé et l'aventure s'est poursuivie en 2009 (alors même que les résultats n'étaient pas formidables). Toyota ayant quitté la discipline reine, Williams a dû payer ses moteurs Cosworth pour 2010, de même qu'en 2011, bien aidé cette fois-ci par les pétro-dollars de Pastor Maldonado et PDVSA.
Dès 2012, des subventions plus importantes en provenance du Venezuela ont permis à l'écurie de Grove d'opter pour le moteur Renault, il en sera de même en 2013 avec l'arrivée de Valtteri Bottas, bien aidé et soutenu par un certain Toto Wolff. L'ère Mercedes va s'opérer avec une facture allégée du bloc hybride de Mercedes par rapport à Renault. Felipe Massa a remplacé Pastor Maldonado, en 2017 Valtteri Bottas part chez Mercedes, en contre-partie d'un allègement de la facture moteur pour Williams. Ensuite les baquets chez Williams seront financés tour à tour par Lance Stroll ou Sergey Sitorkin en 2018. Pour 2019, Stroll a dédommagé Williams, Robert Kubica a apporté un budget quant à George Russell, ses connections avec Mercedes l'ont bien aidé.
Alors, à quoi joue Williams ? Aucune opportunité motoriste réelle pour jouer les premiers rôles et la situation actuelle semble s'ancrer dans le dur. Mais pourtant, Williams n'est pas une entreprise en difficulté financière, puis ses bilans 2018 prouvent cette tendance. L'écurie voit son chiffre d'affaires en hausse, ainsi que ses bénéfices (de peu), Williams Advanced Engineering voit aussi son chiffres d'affaires et ses bénéfices en hausse, seules quelques activités annexes présentent un déficit.
Alors, certes Williams Racing ne gagne plus aujourd'hui, l'écurie de Grove truste le fond des classements, mais Williams génère du profit... qui pourrait servir au développement d'une monoplace par exemple ! A moins que la condition d'inscrire des points au championnat et payer plus cher son droit d'inscription au championnat F1 ne soit déjà un frein aux idéaux de Claire Williams ?