En ce vendredi d'essais libres au Japon, Renault a décidé d'officialiser l'arrivée de Marcin Budkowski au poste de directeur exécutif de l'équipe. Est-il la véritable menace de la F1 de par son passif ?
Si son nom fait la une de tous les médias depuis quelques semaines, il était pourtant un homme de l'ombre au sein de la FIA. Directeur technique de la Fédération, c'est lui qui a élaboré les règlements techniques des saisons 2017 et 2018. Il était aussi, et c'est là où commence la discorde, la liaison entre la FIA et les équipes sur les questions techniques.
Faisons un rapide point sur son parcours. Après ses études à Londres, il fait un stage au département aérodynamique de Peugeot. Sa carrière en F1 commence en 2001, lorsqu'il rejoint Prost avant de rejoindre Ferrari jusqu'en 2007. Ainsi, au sein de la Scuderia, il est au sein de l'équipe CFD avant de passer chef du département chargé des essais en soufflerie. Fin 2007, il quitte Ferrari pour McLaren où il rejoint le département aéro. Il quitte l'équipe officiellement en 2014 pour rejoindre la FIA. Ce n'est qu'en mars dernier qu'il prend la direction technique de la Fédération.
Le coup du siècle de Renault ?
En s'adjugeant les services de Marcin Budkowski, Renault réalise un coup magistral sur ses concurrents. Interrogé par Sky Sports F1, Cyril Abiteboul, directeur général de l'équipe Renault, était clair à ce sujet.
"Nous voulons être l'un des top teams en 2020 ce qui signifie réduire l'écart avec eux de l'ordre d'une seconde à une seconde et demie au tour. Il nous faut dès lors être agressif dans le recrutement - pas spécialement avec Marcin - et nous devons encore nous renforcer, Enstone doit grandir'', expliquait-il avant d'ajouter que "dans ce sport, on n'est pas là pour se faire des amis. Nous respecterons les lois et les règlements en vigueur, car Renault a toujours été loyal et fair-play, mais en recrutant nous devons naturellement approcher des techniciens employés ailleurs, ce qui ne fait pas plaisir à tout le monde''.
Rappelons tout de même certaines règles en vigueur. Après sa démission, apprise le 26 septembre dernier, Marcin Budkowski dispose d'un préavis de trois mois avant de pouvoir rejoindre une équipe. Cette période dite "garden leave'' est en général comprise entre 6 mois et un an pour la plupart des ingénieurs de la F1. La date de début de contrat de l'ancien membre de la FIA n'est pas connue pour le moment mais Cyril Abiteboul parle d'une prise de poste autour du mois d'avril 2018.
Les équipes mécontentes
Lors du week-end en Malaisie, les chefs d'équipe se sont réunis à ce sujet. La crainte était de mise. Eric Boullier, comme d’autres directeurs, se sont exprimés. « Nous sommes tous préoccupés par le fait qu’un fonctionnaire de la FIA qui ait eu accès à beaucoup d’informations puisse commencer à travailler dans une des équipes dans un délai de trois mois », déclare-t-il, rajoutant ensuite que « nous ne pouvons pas interdire à quiconque de changer d’emploi et nous devons respecter les lois en vigueur dans différents pays. Mais nous pensons que pour les représentants de la FIA de ce niveau, une durée minimale doit être établie ».
Il faut avouer que son ancien rôle au sein de la FIA met en difficulté les autres équipes, étant au courant des petits secrets de toutes les équipes. Récemment, Red Bull l'a consulté pour sa suspension.
Dans le paddock de Suzuka, le préavis reste le sujet principal au coeur de ce débat. "Je ne pense pas qu'il y ait un problème réel avec Marcin, mais la question est la période de préavis'', déclare Christian Horner à Sky Sports F1. "Personnellement, je pense qu'il est incorrect qu'une personne de cette ancienneté au sein de la FIA soit autorisée à être dans un autre environnement de travail dans un délai de trois mois. Je suis sûr que ce sera à l'ordre du jour de la prochaine réunion du Strategy Group'', ajoute-t-il.
Toto Wolff, de son côté, rappelle la durée minimale en cas de fin de contrat dans ce type d'industrie. "Le minimum est de 6 mois, voire 12 mois ou plus'', indique-t-il.
Quelles solutions pour les équipes ?
Pour Franz Tost, "ce que nous pouvons faire, c'est de ne pas partager plus d'informations avec des personnes de la FIA''.
Christian Horner est un peu plus alerte à cette situation. "Le problème est que si quelque chose qui ressemble à quelque chose d'une Red Bull ou Mercedes ou Ferrari finit sur leur voiture au cours des six premiers mois de la saison prochaine, ça pourrait même constituer un problème pour l'équipe qui finit par l'employer'', suggère-t-il.
Pour le moment, Marcin Budkowski est censé prendre ses fonctions autour du mois d'avril prochain. L'équipe Renault s'est dite prête à repousser son arrivée. "Nous avons toujours précisé que nous ne voudrions pas être agressifs par rapport à cela. D'un point de vue contractuel, il pourrait être disponible dès le début de l'année prochaine [janvier], mais nous avons eu des discussions constructives avec la FIA. Je crois que nous sommes près d'un accord pour une date de début qui rendrait tout le monde à l'aise. Je pense que début d'avril, qui est essentiellement deux fois son préavis, a été discutée. Rien n'a encore été confirmé'', déclare-t-il.