L'une des principales critiques adressées à la Formule E est le manque de diversité dans la physionomie de ses tracés urbains. L'arrivée prochaine de la Gen 3, plus puissante, relance le débat.
Un calendrier monotone ?
La question de la pertinence des circuits de Formule E anime les amateurs de sport automobile depuis la saison inaugurale du championnat en 2014. Il faut dire que le tout premier E-Prix de l'histoire, qui s'est tenu à Pékin, laissait entrevoir le pire.
Long de 3,453km, le tracé prenait la forme d'un gros carré amputé d'un de ses quarts, défini par six virages à 90° et quatre chicanes. Rien de bien excitant, en somme. Heureusement, le reste de la saison avait proposé des circuits moins bruts, moins artificiels. A Punta del Este en Uruguay, les 21 virages offraient aux pilotes des défis variés, et un tour bien rythmé entre hautes vitesses et courbes subtiles.
En six ans, la Formule E a su diversifier son calendrier en visitant des lieux aux caractéristiques différentes. Si les virages à angle droit sont toujours d'actualité, à Paris ou à Rome, ils ne sont pas pour autant la norme. Le circuit urbain temporaire de Marrakech ou la version FE du circuit de Mexico en sont de bons exemples.
La ville comme moteur de développement
Cette alternance de courses en centre-ville et sur circuits dits traditionnels est, pour la Formule E, le bon compromis entre intérêt sportif et engagement écologique. Il faut en effet garder en mémoire que la catégorie électrique a une vision qui s'étend au delà de la course en elle-même.
L'objectif de la Formule E a toujours été de mettre en avant la technologie électrique et ses bienfaits pour l'environnement. Ainsi, l'Aquafuel a remplacé le gazole dans les générateurs du championnat, les plastiques à usage unique ont rapidement disparu, et la Formule E est devenue le premier sport international à avoir atteint la neutralité carbone en septembre 2020.
C'est cette vision qui a poussé la Formule E à choisir de courir en ville. La technologie électrique, naturellement plus adaptée au milieu urbain qu'aux longs trajets, ne pouvait donc rêver meilleur terrain de jeu que le centre-ville des grandes capitales mondiales. Comment mieux démontrer l'efficacité d'une voiture électrique en ville, qu'en faisant rouler une voiture électrique en ville ?
Limites et contraintes
Mais très vite, observateurs et acteurs de la discipline ont commencé à émettre des réserves sur certains aspects de la course de rue. Le circuit des Invalides de Paris est sans doute celui qui a encaissé le plus de critiques depuis son arrivée au calendrier de la saison 2. Très court, étroit, doté de la deuxième ligne droite la plus courte ayant été empruntée en six ans, le tracé parisien semblait déjà avoir atteint son potentiel avant même l'arrivée de la Gen 2.
L'utilisation systématique des mêmes murs en béton n'a pas aidé la Formule E à valoriser la personnalité de chacun de ses circuits. L'annonce récente de la tenue d'un E-Prix à Valence semblait répondre à cette problématique. Le circuit Ricardo Tormo accueille en effet le MotoGP depuis plus de vingt ans, et ne ressemble en rien aux tracés urbains de la Formule E.
Cependant, afin de répondre aux exigences de la discipline ainsi qu'aux normes de sécurité, des barrières seront installées en bord de piste dans le but de redessiner le tracé et de sanctionner les erreurs. A cause du faible relief des vibreurs, les pilotes peuvent en effet sortir allègrement des limites du circuit, ce qu'ils ne se sont pas privés de faire tout au long des essais de pré-saison, changeant complètement le visage de la piste.
Formula E-quilibriste
La Formule E marche donc sur un fil, qui va s'affiner davantage au moment de préparer la saison 9 (2022-2023). C'est lors de cette saison que la Gen 3 fera son apparition en E-Prix. Avec une puissance de 350kW (470ch) contre 250kW (335ch) aujourd'hui, et un poids pilote compris abaissé à 780kg au lieu de 900kg, la prochaine monoplace rendra a priori certains circuits obsolètes.
Paris est bien entendu dans le viseur, mais pas uniquement. Le E-Prix de Monaco, qui s'est couru à trois reprises sur une version (très) raccourcie du circuit de Formule 1, a remédié au problème en décidant d'ouvrir la totalité de son tracé à la Formule E cette année. Pour la première fois, la Gen 2 va donc emprunter la montée de Beau Rivage, l'épingle du Loews et le tunnel.
Mais Monaco est un cas à part. Il ne s'agit ici que de passer d'une version du circuit à une autre déjà existante. La solution de l'allongement d'un tracé homologué et utilisé par d'autres catégories ne peut évidemment pas être mise en pratique partout. En centre-ville, augmenter la longueur d'un circuit signifie surtout davantage de rues bloquées au profit de l'événement, et donc plus de contraintes imposées aux riverains.
La ville en guise de cage
En adaptant son tracé aux contraintes liées à la crise sanitaire, le E-Prix de Rome a indirectement montré la voie aux autres circuits urbains du championnat en devenant un exemple d'adaptabilité et d'évolution. En effet, le nouveau tracé emprunte plus largement l'espace offert par le Parco del Ninfeo sans pour autant délaisser les rues de la ville.
Le déménagement de certains circuits dans des zones hybrides, mêlant coeur de ville et grands espaces, pourrait permettre aux villes hôtes de continuer à accueillir la Formule E, tout en permettant au championnat de continuer sa promotion de la mobilité électrique sur le long terme en axant sa communication sur la puissance et l'autonomie, qui feront à terme de la voiture électrique un moyen de transport capable de se libérer du cadre purement urbain.
La Gen 3, plus encore que la Gen 2, marquera donc un véritable tournant dans l'histoire de la Formule E. Si elle veut rester fidèle à sa vision de la mobilité électrique urbaine et performante, la catégorie va devoir trouver le bon équilibre au moment de constituer son calendrier de la saison 9 et des suivantes. Nul doute que les grandes capitales mondiales sauront offrir à la Formule E le terrain de jeu dont elle a besoin.