Ce dimanche, l'ancien pilote de F1 Ralf Schumacher a fait son coming out, devenant le deuxième pilote de la discipline à le faire, après Mike Beuttler. En MotoGP, aucun pilote ne s'est ouvertement exprimé. Mais les derniers incidents montrent que la catégorie reine n'est pas encore prête...
Alors que la F1 a tenté de soutenir les différentes communautés, que ce soit ethnique ou sexuelle, le MotoGP semble avoir du mal à franchir le pas. Bien entendu, il n'est pas demandé ici de faire comme la cousine à quatre roues, à savoir lancer une campagne comme "We Race As One", que Lewis Hamilton qualifie comme "une bonne chose, mais au final ce n'était que des mots". "Dans les faits, ça n'a rien changé. Aucun projet n'a été soutenu financièrement, il n'y a pas eu de programme pour faire en sorte que la situation change et que ça déclenche des discussions", expliquait-il.
Mais, le MotoGP doit s'engager et apporter son soutien aux différentes communautés, tant ethnique que sexuelle. Les récents événements ont montré que Dorna préfère le silence à l'affrontement avec sa fanbase.
Des incidents qui montrent la faiblesse du MotoGP sur le sujet
Début décembre 2023, Jorge Martín est l'invité d'une émission populaire en Espagne. Au détour d'une conversation au sujet de ses amis dans le paddock, le pilote espagnol sort “¡marica el último!”, qu'on pourrait traduire par un "le dernier est une pédale" en langage familier. Rapidement, la communauté LGBT+ s'insurge des propos tenus par le vice-Champion du Monde, tout comme certains journalistes spécialisés. Le journaliste Simon Patterson s'est dit "dégoûté de constater que Jorge Martín croit qu'il est approprié de se rendre à la télévision publique et d'y déverser une insulte homophobe".
Par la suite, Jorge Martín a présenté ses excuses. "Il est vrai que nous devons éradiquer ces phrases familières car les temps changent pour le mieux, nous devons évoluer dans ce sens", a-t-il déclaré dans les colonnes du journal espagnol AS.
Le 26 décembre dernier, Fabio Quartararo publie une photo de lui, posant sa tête sur l'épaule d'Ethan Doux, descendant de Doux Joaillier, une marque de montres et de bijoux de luxe et ami du pilote français. La légende de la photo est simple : "De quoi parlons-nous ?". Rien d'ambigu et pourtant, le pilote français a reçu de nombreuses insultes homophobes, l'obligeant à la supprimer de son X (anciennement Twitter) et à restreindre les commentaires sur Instagram.
Un manque de courage du MotoGP
Dans une lettre ouverte publiée sur le site Motorsport Magazine, Mat Oxley est revenu sur les deux incidents. Il explique que "personne en MotoGP ne s'est précipité pour défendre le pilote", à savoir le Champion du Monde 2021 ! Mais le journaliste ne pointe pas du doigt que Dorna, détenteur des droits du Championnat du Monde, mais aussi l'ensemble du paddock (équipe, constructeur, pilotes...).
Mais cette lettre ouverte révèle également d'autres aspects du paddock MotoGP. "Je connais un ingénieur qui refuse de travailler avec un autre à cause de ses opinions racistes", écrit Mat Oxley. Il parle également du sexisme présent au sein du Championnat du Monde. "Des femmes membres d'équipes qui ont quitté le championnat parce qu'elles ne supportaient pas le sexisme, un homme qui a toujours un comportement inapproprié envers les femmes et qui occupe toujours son poste de direction", ajoute le journaliste.
Il pointe du doigt les pays où le MotoGP court, qui sont parfois racistes et:ou homophobes. Cependant, ce détail est également le cas de la F1, qui cherche à s'engager pour les communautés. Le MotoGP a besoin d'argent et doit s'installer dans des pays capables de payer pour recevoir les trois catégories.
Un sujet discuté en ... 2013 !
Lors de la conférence de presse du Grand Prix d'Espagne 2013, sur le circuit de Jerez, David Emmett, du site MotoMatters, interroge les pilotes présents, à savoir Cal Crutchlow, Jorge Lorenzo, Marc Márquez, Andrea Dovizioso, Stefan Bradl et Scott Redding, revient sur le coming out de Jason Collins, un joueur de la NBA. Le blogueur explique qu'aucun pilote n'est gay et demande s'il y a une peur de faire un coming out en MotoGP ou si tous les pilotes aiment uniquement les femmes.
Les pilotes se sont retrouvés déstabilisés par la question, répondant assez banalement. "Je pense que ce sport se résume à courir. Il n'a jamais été révélé que quelqu'un était gay. Mais peut-être qu'il y en a, juste cachés dans le placard, je ne sais pas. Peut-être que je suis assis avec l'un d'eux", commençait Cal Crutchlow. Jorge Lorenzo et Marc Márquez ont exprimé du respect pour eux. De son côté, Andrea Dovizioso "pense que pour tout le monde, ce ne serait pas un problème", ajoutant que "c’est difficile d’y penser", sans savoir pourquoi.
Stefan Bradl a poursuivi avec une note d'humour, déclarant que "peut-être que si ça va plus vite, on y réfléchira", avant d'exprimer son respect pour la communauté, tout comme Scott Redding.
Le MotoGP doit s'engager
Encore une fois, il n'est pas demandé une révolution ! Le MotoGP doit progressivement s'engager dans les luttes sociétales, notamment après les évènements de la fin d'année 2023. Et cet engagement pourrait être bénéfique pour la discipline, à la recherche de nouveaux fans.
"La diversité et l’inclusion dans le sport ont des avantages économiques. Le sport est une industrie lucrative, qui génère des milliards de dollars de revenus chaque année. En adoptant la diversité et l’inclusion, les organisations sportives peuvent pénétrer de nouveaux marchés, élargir leur base de fans et attirer de nouveaux sponsors et partenaires. En bref, la diversité et l’inclusion dans le sport sont bonnes pour les affaires et pour la société", explique l'International School of Business de Barcelone.