A l'occasion de la sortie du livre d'Anne Chantal Pauwels, "J'ai pas tapé", dans lequel la copilote de François Delecour partage son expérience durant ses années rallyes, nous avons pu échanger avec le célèbre binôme des rallyes.

L'occasion d'avoir pu rencontrer les deux compères qui ont partagé de nombreux rallyes, traversé des épreuves et collectionné de nombreuses anecdotes qui nous livrent ici dans un échange où les souvenirs reviennent avec nostalgie.

Entretien avec François Delecour et Anne Chantal Pauwels

Pourquoi ce livre (« J’ai pas tapé » - Anne Pauwels éditions) ? Votre duo semble ne pas avoir été oublié par les passionnés, le monde du rallye. Pourquoi selon vous ?

FD : "Ce livre est à l’initiative d’Anne Chantal, c’est son œuvre. J’y apporte simplement mes anecdotes. Les gens ont sans doute gardé en mémoire notre côté « Bonnie and Clyde », hors normes, prêts à tout pour y arriver. Il nous fallait rouler avec n’importe quoi et on a réussi alors qu’on n’avait pas un rond."

ACP : "On me l’a demandé voici déjà plusieurs années mais je n’ai jamais eu le temps. C’est à la suite d’un défi sur Facebook durant le premier confinement. Là, j’avais le temps et je l’ai sorti avant la Noël. Je me suis vraiment fendue la gueule à le faire, écrire cette aventure, cette démerde, le fait aussi qu’on aurait pu mourir quinze fois…"

Comment l’histoire a commencé ? Comment vos débuts ont été perçus par votre entourage ?

FD : "En ce qui me concerne, j’ai conduit très jeune. Ma mère, alors enceinte de moi, a eu un grave accident de la route causant la mort de mon frère et d’une petite fille. Elle avait donc peur et m’apprit à conduire dès l’âge de 11 ans ; elle a rapidement vu que j’avais les capacités, et je conduisais souvent."

"Anne Chantal et moi habitions le Mont Cassel et je l’avais déjà remarquée. C’est dans la même auto-école que tout a commencé. Ca a été d’abord une véritable histoire d’amour ; ça nous a dopé car on était tellement proches. Nous étions deux espèces de saltimbanques avec pour maître-mot la passion. On avait cette fougue, cette inconscience !"

"J’ai claqué la porte de la maison familiale, et je suis resté sans contact avec mes parents durant dix ans. Pour nos familles, ce n’était pas un métier, on construisait nos vies sur du sable. Sans moyens, sans bagage ni fait d’études je n’avais que la voiture en tête ; ça coulait de source que je devienne pro. Anne Chantal a vraiment beaucoup contribué à ma réussite, elle croyait en moi."

Et vous Anne Chantal ?

ACP : "J’ai également appris à conduire à 11 ans en Bretagne avec mes cousins. J’ai passé mon permis 125 à 16 ans et c’est là que j’ai connu François qui en avait alors 18. Il était en train de passer le code. On est devenu potes puis petits copains. Quand François a eu son permis, il s’est arrêté devant moi avec son Autobianchi. Il voulait faire des rallyes. « Viens je t’emmène ! » m’a-t-il dit.
Et il m’a emmenée sur les deux kilomètres de descente pavée du Mont Cassel. Je me suis dit ce jour-là qu’il avait un talent de fou et depuis j’ai toujours l’intime conviction qu’il pouvait être champion du monde."

"Mais s’investir dans la course a été mal perçu par nos familles. J’ai décidé d’arrêter mes études alors que je suis issue d’une famille BCBG de quatre enfants. Nous étions tous destinés à faire des grandes études.
J’étais en rébellion totale et j’ai presque fait exprès de rater mon bac. Je ne pensais qu’à ma liberté et faire ce que je voulais. J’ai donc fait des petits boulots pour payer les pneus et les engagements. Une chance, j’ai pu être mannequin et c’était bien payé."

Vos premières années de vaches maigres dans le Nord : Inconscients ? qu’est-ce que vous avez fait de plus fou ?

FD : "Il nous arrivait de laisser la voiture avec laquelle on roulait sur le bord de la route quand on était à sec. On allait la chercher quelques jours après quand on avait enfin pu acheter de l’essence… On avait une DS break pour l’assistance dans laquelle on dormait. Une bande de copains nous aidait alors qu’on n’avait pas les moyens de les rembourser. C’était des moments fabuleux."

"De plus fou ? On avait une technique à nous en reco quand il y avait un carrefour, une bosse… Anne Chantal descendait avec une pierre à la main pour bloquer la route. Elle faisait signe de la main si une voiture se pointait pour l’arrêter. Si le conducteur continuait, elle lui lançait la pierre. Il valait mieux un pare-brise étoilé plutôt qu’un carton avec moi qui déboulait…"

"Autre fait marquant, au Monte-Carlo 84 auquel on participe avec notre Samba Rallye dans le cadre du challenge Pirelli Winter, c’est-à-dire sans pneus clous. Et on tombe cette année-là sur un rallye des plus enneigés. Dans les Savoyons, il y’avait tant de neige que personne ne montait.
Les cloutés s’en prenaient aux sans-clous, c’était la foire d’empoigne. J’ai décidé de monter le col en marche arrière, avec Anne Chantal sur le capot pour transférer la charge et que la Samba ait du grip. On a pu ainsi arriver au sommet. On a pu faire ce rallye car Anne Chantal avait pu décrocher des sponsors, mais on dormait dans la caisse…"

ACP : "Nous étions complètement inconscients et limite border line. On aurait pu aussi se tuer à plusieurs reprises. Mais je pense que ce que j’ai fait de plus fou est de liquider le PEL offert par mon grand-père. J’ai dépensé les 50 000 francs dessus, une belle somme à l’époque, pour la préparation de la Samba et les pneus."

Fin de la première partie de cet échange. Si vous souhaitez vous procurer le livre d'Anne Chantal Pauwels, c'est possible via la boutique en ligne de son site. La Partie 2 est disponible ici.