Comme l'on traite l'actualité des sports mécaniques, on s'est dit qu'il n'était pas obligatoire d'y avoir des roues ! Nous découvrons aujourd'hui, Jessica Chavanne qui évolue en jet-ski et qui représente nos meilleures chances de titre mondial.

Jessica, raconte-nous comment cette passion pour le jet-ski t'est venue ?
J'ai débuté l'amour pour la discipline car mon grand-père gérait une base nautique, donc rapidement je me suis essayé au ski nautique. Au début, il n'y avait pas de jet sur le plan d'eau mais mon grand-père a autorisé une fois une personne avec un jet-ski, j'ai essayé et j'ai adoré. Ensuite c'est à l'âge de 19 ans que j'ai fait un crédit pour acheter mon premier jet. Et puis après quelques entraînements sur la Garonne, je commençais à m'ennuyer un peu, il n'y avait pas de vagues c'était plat.
J'étais esseulée à l'époque, je ne connaissais personne qui pratiquait le jet, j'ai réussi à revendre correctement mon premier jet-ski pour m'équiper ensuite d'un jet à bras, qui est complètement différent. C'est beaucoup plus physique, le bras est articulé, il n'y a pas de selle, on est debout sur le jet-ski. J'ai commencé toute seule à me former à la discipline, je me suis détourné de ma formation professionnelle de coiffeuse pour faire du jet-ski, mon métier.

L'envie donc de t'essayer à la compétition et en faire ton métier ?
Oui, je me suis tourné vers la FFM Fédération Française Motonautique, j'ai passé mon diplôme de monitrice de jet, à la suite de ça j'ai fait les saisons d'été en tant que monitrice de jet et hors-saison je faisais commissaire sur les courses de jet. Je voulais faire de la compétition, mais jusqu'à présent, je m'étais contenté de participer à des courses régionales. Je voulais absolument approcher les compétitions mais le budget manquait, donc la seule solution était de devenir commissaire pour mes débuts.

Puis un jour, un de mes amis a décidé de monter un team, les « Black Cats » et avec d’autres amis, il nous a sponsorisé. Après des débuts assez timides mais qui m'ont permis de m'acclimater à la compétition, j'ai terminé vice-championne de France dès 2013. Et l'année suivant j'ai continué sur la lancée en faisant quelques courses en France et en Europe.

Une lourde opération de l'épaule en 2016 m’a éloigné de la compétition, mais en fin d'année 2017 je recommence la compétition avec l'envie de changer ma machine qui avait déjà 14 ans. Inaccessible dans mon budget dans un premier temps, le nouveau jet-ski de Kawasaki m'a été offert par mon principal sponsor, Espace K, et mon compagnon, en partenariat avec Ride House. En 2018.
Nous nous sommes attaqués à des manches nationales et européennes, on visait le mondial ! Des résultats étaient là, je cherchais absolument à décrocher un contrat avec l’Union Internationale Motonautique (affiliée au comité olympique). J'ai réussi de belles performances pour avoir le total de points pour accéder au top 10 mondial. J'ai enfin eu mon contrat à la fin de la saison 2018, ce qui est une formidable opportunité car cela nous offre le transport du jet-ski sur les manches (hors Europe) auxquelles on participe, ça comprend aussi l'hébergement et le reste des animations.

J'ai disputé le championnat du monde en 2019, il y a plusieurs types d'épreuves, comme le slalom parallèle ou la course de vitesse à travers un circuit de bouées. J'ai obtenu une troisième place en slalom avec une médaille de bronze.
Suite à ça, j'ai décroché un podium en course de vitesse pour la dernière épreuve du championnat aux Emirats. Au classement mondial je termine 6e en course de vitesse. Dans le championnat de France et en Europe, je suis face aux garçons (contrairement au mondial). J'ai terminé le championnat de France à la 3e position (avec les garçons) et je suis vice-championne européenne (aussi face aux garçons).

Ces résultats ne sont pas passés inaperçus, ça te permet donc d'espérer de meilleurs lendemains ?
Suite à ces bons résultats, renforcé la confiance de mes sponsors. C'est quand même grâce à eux que je peux continuer au niveau mondial en jet-ski. Et on a débuté la saison 2020 au mois de février avec la manche du Koweït.
Ça démarrait plutôt mal car j'étais malade pour ce meeting avec 39°C de fièvre. A partir de là, je n'avais pas de grands objectifs, je voulais simplement marquer des points pour le championnat, ce qui me paraissait le plus important à sauver. Au final, j'ai gagné la course ! Lors de la première journée, j'ai terminé 5e de la première manche, j'ai gagné la suivante et comme beaucoup de pilotes furent disqualifiés à cause d'erreurs, certains étaient sceptiques sur mes capacités. Et pour mettre tout le monde d’accord, je gagne la troisième manche. Ça a été une énorme surprise pour moi d'autant plus que j'étais encore plus malade que la veille, mais du coup après le premier Grand Prix de l’année je suis en tête du championnat du monde 2020.

Quand on parle de championnat du monde, c'est le plus haut niveau qu'il soit en jet-ski ?
Oui, il y a 4 catégories en fait. Le freestyle, le jet-ski à selle où on ne voit que des garçons (une seule fille parmi eux) et ensuite le Ski GP1, le jet-ski à bras, là nous sommes en configuration full préparation, il n'y a pas de limites pour la préparation moteur, puissance maximale !
Contrairement aux jet-skis à selle, ceux à bras articulé ont des moteurs moins puissants mais ils sont plus légers. En termes de vitesse, ceux à selle peuvent monter à 138 km/h, ceux à bras sont pour l'instant limités vers 120-122 km/h mais les performances continuent d'augmenter. En accélération, nous sommes en moins de 3 secondes pour le 0 à 100 km/h, c'est assez impressionnant !

Avec de telles performances, sur l'eau, quelles sont les conséquences d'une chute ?
J'ai déjà chuté, j'ai eu plusieurs de l'épaule, sur des petites chutes en fait, des erreurs assez bêtes à commettre. J'ai connu des chutes plus rapides mais presque sans conséquences finalement, j'ai eu de la chance. Le plus risqué dans notre discipline ce sont les collisions en fait, car nous n'avons rien pour nous protéger, notre corps est exposé aux chocs.

Quel type d'entraînement faut-il pour arriver à ce haut-niveau mondial ?
Mon rythme d'entraînement est quotidien. J'ai des kinés et un préparateur physique du cabinet l'Astragale. Quant aux entraînements sur le jet-ski c'est entre une à deux fois par semaine, c'est compliqué d'en faire plus.

Comment trouves-tu la médiatisation du jet-ski ? Est-ce suffisant ?
L'organisation Aquabike World Championship (aquabike.net) fait son maximum concernant la communication, le budget est quand même conséquent. Nous sommes présents sur les réseaux sociaux, il y a des vidéos, les courses sont retransmises en live. Il font un super travail concernant la médiatisation de la discipline.
Ensuite, le jet-ski reste un sport mécanique et parfois dans notre pays ça pose un problème en terme de reconnaissance, par exemple, au niveau de notre fédération, nous ne sommes pas reconnus comme des sportifs de haut-niveau, cela a un impact sur les aides et subventions que l'on nous refuse auprès des Régions, c'est dommage !

Maintenant, quand on part en Chine, aux Émirats (Arabes-Unis) ou au Koweït, on a bien plus de reconnaissance. Dans certaines villes comme à Charjah (EAU), ils bloquent certaines rues. Nous sommes accueillis avec beaucoup d’enthousiasme et de reconnaissance. Et dès qu'on revient en France, forcément, plus personne ne nous reconnaît, le contraste est saisissant alors que la France a le meilleur vivier des pilotes de haut-niveau.

Concernant les déplacements, quels pays visite le championnat jet-ski ?
On se déplace sur 7 pays pour la saison 2020, malheureusement cette année une ou deux courses seront annulées à cause du Coronavirus. La première qu'on a déjà faite, c'était le Koweït, puis ensuite on se déplace en Arabie Saoudite, le Portugal (Portimão), l'Italie (en Sardaigne), la Chine et enfin à Charjah aux Émirats Arabes-Unis.

A part le jet-ski, d'autres catégories de sports mécaniques auraient pu t'intéresser ?
Oui, carrément, c'est le temps qui me manque en fait ! Mon compagnon a fait 15 ans d'Enduro, donc évidemment il rêve de me voir à moto. Moi, ça me plairait énormément, mais je fois fixer mes priorités sur ma carrière pro et le jet-ski ! Mais si je pouvais avoir l'opportunité d'essayer autre chose, j'aurais aimé faire quelque chose pour encore me dépasser.

Jusqu'à quand tu vas continuer en jet-ski, que feras-tu par la suite ?
Aujourd'hui, j'ai 35 ans, je vise le championnat du monde cette année et le titre. Ensuite, on lâchera un peu le rythme, je continuerai quelques courses mais pour le plaisir. Après la compétition, je veux continuer pour faire découvrir le jet-ski aux jeunes via l’association Jet School Muret. J'ai mon diplôme de monitrice, donc je peux aussi donner des cours ou même mener des séminaires pour les entreprises, j'ai de quoi remplir mes journées.

Enfin, Jessica Chavanne participe au programme CARBON NEUTRAL. Qu'est-ce que le programme "CARBON NEUTRAL" ? C'est la compensation de ses émissions de CO2, pour sa participation au championnat du monde de jet-ski. En 2019 elle a utilisé la plateforme web Treedom afin de planter 29 arbres par le biais d'agriculteurs locaux à Madagascar (voir photos ci-dessous). Son but à plus long terme, est de monter un projet (avec son association Dreamjet 99 et la Mairie), afin de planter encore plus d'arbres autour du lac sur lequel elle s’entraîne. Idéalement, elle souhaiterait faire participer une école dans ce projet, afin de sensibiliser les plus jeunes à l'environnement.

Jessica Chavanne en action au Koweït