A bord de son prototype 963 du team Porsche Penske Motorsport, « Mako » sera au départ des 1000 Miles de Sebring 2023 ce vendredi. Nous l’avons rencontré en marge des premiers essais.
Le FIA WEC entame sa saison 2023 ce "week-end" dans le cadre du meeting du Super Sebring, qui réunit d'abord le Championnat du Monde d'Endurance (FIA WEC) dont la course se déroulera ce vendredi, avant d'organiser les célèbres 12 Heures de Sebring, deuxième manche du championnat américain IMSA.
Makowiecki : "un peu de temps pour être à 100%"
Pourquoi avez-vous été annoncé si tardivement comme titulaire en Hypercar ?
Il faudrait le demander à mes patrons, je ne sais pas pourquoi les choses se sont combinées ainsi. Tout le monde a toujours été clair avec moi dès le départ. Je savais que je devais faire le développement de la voiture, mais rien de plus ne m’avait été promis. J’étais donc concentré sur mon travail et sur le fait de prendre du plaisir au volant, ce qui est de plus en plus important à mon âge. J’étais donc concentré là-dessus, et c’est vrai que quand on n’est pas annoncé on a toujours espoir. Mais dans tout ce que j’ai fait, je n’ai jamais été frustré.
Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été en Hypercar ?
Là aussi, il faudrait poser la question à mes patrons, mais je pense que j’aurais continué à faire du GT, ce que je vais d’ailleurs faire avec les 24 Heures du Nürburgring et le GT World Challenge. J’ai aussi une place un peu spéciale chez Porsche car c’est souvent moi qui suis en charge du développement des voitures. Je dois avouer que ce qui m’a manqué le plus au cours de ces deux dernières années, c’est de rouler en course. Quand on a arrêté le programme usine aux États-Unis, en 2020, je me suis mis à faire beaucoup de tests, mais il me manquait cette adrénaline de la course.
Être pilote Porsche, est-ce différent que de l’être pour d’autres marques ?
J’ai eu la chance d’être pilote pour d’autres constructeurs, et ce qui est différent c’est le poids de l’histoire. Chez Porsche, il y a eu des gens très brillants qui sont passés avant nous, et c’est quelque chose qui marque. Lorsqu’on signe chez Porsche on a les yeux qui brillent. Ensuite, c’est vrai que nous avons d’excellentes conditions de travail, on fait les choses bien et on se donne les moyens de gagner. C’est une grosse machine.
Est-ce que la 963 qui est aujourd’hui en piste est fidèle à ce que vous avez remonté au cours du développement ?
Une voiture, c’est de la physique, et il y a certains aspects où on n’est pas là où on voudrait. Il va nous falloir du temps pour comprendre et être à 100%. Sur ce genre de voiture, on a tendance à se concentrer sur certains aspects qui vont couvrir d’autres manquements, et c’est à nous de les découvrir. Nous ne sommes pas là où on devrait, mais nous avons un gros potentiel.
Quid spécifiquement de la course de Sebring, ce vendredi ?
Nous devons mieux comprendre la voiture. Nous avons tendance à être très fort dans certains secteurs, mais nous avons besoin de gagner en polyvalence car on est à la peine sur d’autres. Il nous travailler nos points faibles pour être capables de les réduire, sans entamer nos points forts. Aujourd’hui, il nous en manque face à une référence comme Toyota.
Le fait qu’ils soient restés dans le championnat, qu’ils aient appris la réglementation, qu’ils aient montré qu’ils sont des gens de haut niveau, ça compte. C’est aussi ce qui est intéressant pour nous. Nous préférons gagner face à des adversaires qui ont un haut niveau.
L’abandon des cabanes de chauffe pour les pneus, est-ce que c’est un problème pour vous ?
Pour avoir connu beaucoup de championnats sans cabane chauffe, je pense que cette décision est arrivée un peu tard dans le process de développement des voitures. Cela a été pris en compte par Michelin, mais en essais nous avons presque toujours utilisé des cabanes de chauffe. Michelin a fait un pneu sur la base de son énorme expérience, mais nous n’avons pas eu beaucoup de tests pour valider.
Heureusement pour nous, nos collègues des États-Unis roulent sans cabane depuis plusieurs années et nous avons pu partager des informations. Mais la définition des pneus était déjà faite, et les packages aérodynamiques sont différents en IMSA et en WEC.
Êtes-vous malgré tout satisfait de la nouvelle gamme Endurance ?
Oui, car à l’heure actuelle sur sol sec nous avons un pneu qui répond aux conditions et qui est constant, ce qui n’est pas du tout évident avec les voitures que nous avons. D’une manière générale, on recherche le poids le plus faible et la charge aérodynamique la plus forte car c’est là où on gagne le plus en polyvalence. Mais la LMDh est une voiture lourde avec peu de charge aéro.
De ce fait, pour le manufacturier c’est un gros challenge car les pneus encaissent plus de contraintes et on doit en plus doubler les relais. En outre, si en LMP1 un relais durait environ 35 minutes, en Hypercar c’est plutôt 55 minutes à une heure. Deux heures en piste avec une LMDh, c’est plus de trois relais en LMP1.
Vous avez gagné les 24 Heures du Mans avec Porsche en catégorie GTE Pro, envisagez-vous une victoire possible dès cette année en Hypercar ?
Je ne peux pas concevoir d’aller sur une course sans tout faire pour gagner. Ensuite il faut être réaliste, et ne pas dire qu’on est les plus forts alors qu’on est conscients qu’il nous en manque. Le Mans, ça va vite arriver, mais nous avons une équipe surmotivée qui travaille jour et nuit et je suis sûr que ça va payer.
Quelle serait votre recette pour battre Toyota ?
Pour qu’on soit à leur niveau, ça va demander un petit peu de temps. Pour moi, la seule possibilité de les battre, c’est de les mettre sous pression. Si on ne les challenge pas, qu’on instaure pas chez eux un doute, ils resteront intouchables. Il va falloir qu’on soit très bons sur les ordres de niveau 0 et 1, c’est-à-dire les choses prioritaires.
La performance des voitures est modulée par une BoP, n’êtes-vous pas tenté de « lever le pied », par exemple rouler à 95% à Spa afin de bénéficier d’une BoP favorable au Mans ?
Le but est d’avoir quelque chose de juste pour tous. Il faut donc que les acteurs du championnat soient le plus honnête possible afin qu’on puisse avoir une belle bagarre en piste. Je ne juge pas les autres, mais ce dont je suis très fier, c’est que chez Porsche on a toujours été honnêtes.
Le sport auto, c’est aussi quelque chose qui apporte une satisfaction quand on a fait du bon boulot, en dehors de la performance intrinsèque. Le plus important est de sortir d’un week-end de course en se disant qu’on a extrait 110% de son potentiel.
Propos recueillis sur place par notre correspondant Didier Laurent.