Après trois courses de préparation en 2022, la 9X8 est attendue au tournant. La firme au Lion gagnera-t-elle avec une voiture sans aileron ? A Sebring, ses chances semblent restreintes mais plus tard, et particulièrement au Mans, le donne pourrait être différente.

Nous les avions quittés mi-novembre, à Bahreïn, frustrés. Si un pas en avant avait été franchi sur le plan de la performance, la mécanique avait encore eu raison des espoirs de podium de Peugeot Sport. « La déception vient d’un manque de fiabilité qui a empêché d’exprimer le potentiel de performance de la 9X8, avait reconnu le directeur technique de Peugeot Sport Olivier Jansonnie. Tant que nous n’aurons pas atteint un stade de fiabilité suffisant, l’équipe ne pourra pas se dédier entièrement à la performance et démontrer le potentiel de la 9X8. »

Où en est Peugeot pour cette entame de saison 2023 ?

Trois courses, zéro podium, aucun constructeur ne se satisfait d'un tel bilan. Alors à Satory, tout le monde s'est remis au travail. Décision a même été prise d'utiliser certains des cinq « jokers » autorisés par le règlement sur la période d'homologation.

"Il y a aura un peu d'aéro et beaucoup de powertrain (groupe motopropulseur. Ndlr), à savoir moteur et boîte de vitesses", expliquait début février Olivier Jansonnie. "Ce sont des choses sur lesquelles nous avons déjà travaillé et, concernant le powertrain, certains éléments étaient déjà en développement avant même nos débuts à Monza. Nous avons vite compris ce qu'il nous fallait faire évoluer."

De visu, la voiture qui s'est présentée à Sebring se différencie du modèle 2022 par un diffuseur légèrement modifié et des ailettes surplombant les passages de roues arrière bien plus relevées. Du côté des pneus, pas de changement : l’écurie Peugeot TotalEnergies reste la seule écurie à utiliser des pneus identiques aux quatre roues cette saison, alors que les autres constructeurs utilisent des pneus Michelin plus larges à l’arrière qu’à l’avant.

"Notre voiture est conçue pour du 31x31", précise Jean-Marc Finot, le directeur de Stellantis Motorsport. "Pour passer en 29x34, il nous aurait fallu changer beaucoup de choses, et cela aurait eu un impact non négligeable sur la répartition des masses et l’équilibre aéro de la voiture. Les conséquences sur notre planning et le budget étaient trop grandes pour qu'un changement soit envisageable."

A noter que pour cette nouvelle saison, Michelin fournit une nouvelle gamme de pneus à la catégorie Hypercar, laquelle a été conçue pour monter plus vite en température, suite à l’interdiction des cabanes de chauffe.

Des évolutions mécaniques tenues secrètes

Difficile en revanche de connaître les modifications qui se cachent sous la carrosserie. "Nous avons bien progressé sur la partie moteur en traitant des problèmes de jeunesse qui sont désormais derrière nous", assure François Coudrain, responsable du groupe motopropulseur. "Nous travaillons aussi beaucoup sur le système hybride et la boîte de vitesses. La base est ok, mais le système de commande est perfectible."

Si la version 2023 de ce système de changement de rapport n'a pas encore été installée pour la course de Sebring, il nous tardait de voir où en était l'Hypercar tricolore à son arrivée en Floride. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la sentence est dure.

"Tous nos concurrents ont roulé ici en essais, sauf nous", tente de pondérer Loïc Duval (pilote de la n°94) après les essais d'avant-saison, appelés Prologue. Constitué en partie de plaques de béton reliées par de joints fort grossiers, cette piste tracée sur les vestiges d'un aérodrome militaire de l'US Air Force est rude pour la mécanique, et particulièrement les éléments de liaison au sol.

"L'apprentissage de ce circuit et tout ce qui fait qu'il est très spécifique, notamment au niveau des suspensions, a été complexe", reconnaît Jansonnie. "Mais nous avons travaillé dans le bon sens et avons clairement fait un pas en avant le dimanche (deuxième jour du Prologue. Ndlr)."

Las, pas au point de venir menacer la concurrence, qui se maintient toujours à bonne distance. "Tous les petits soucis (même insignifiants) que tu peux rencontrer sur un circuit classique sont amplifiés ici par les bosses" reconnaît Duval. Et si le Sebring Raceway n'était-il tout simplement pas fait pour la 9X8 ?

"Selon moi, il n'y a aucune raison fondamentale qui l'empêcherait d'être performante ici", assure Olivier Jansonnie. "Mais il s'agit d'une piste très spécifique qui requiert d'y effectuer des essais, ce que nous n'avons pas fait. Et probablement également des pièces que nous n'avons pas ici."

Pourtant, à en croire certains ingénieurs de la concurrence, le concept même de l'auto fait que jamais ce circuit sera propice à la faire briller. La majeure partie de l'aéro généré par la 9X8 provient du sous-bassement de la voiture. Mais pour cela, il faut un effet de sol optimal et donc que l'auto soit scotchée au tarmac. Compliqué sur les bosses du circuit floridien. Dès qu'elle « décolle », la lionne perd beaucoup d'appui et devient donc très fine à piloter. Un phénomène amplifié dans le trafic.

A la régulière, il ne faut pas s'attendre à entendre résonner la Marseillaise dans la nuit de vendredi à samedi à Sebring, une fois le damier agité. Le combat est-il perdu d'avance ? Cette hypothèse, le clan français refuse catégoriquement de l'entendre.

À la question : l'objectif est-il toujours de gagner ? Olivier Jansonnie a répondu, non sans un sourire en coin : "Oui, comme toujours". Et ce avant de poursuivre : "Le plus important sera de montrer que notre situation s'est améliorée entre le début et la fin du meeting". Ensuite, il restera moins de trois mois avant le départ de l'édition du centenaire des 24 Heures du Mans... Est-ce que ce sera suffisant pour démontrer que cette Hypercar sans aileron peut faire la différence ?

Propos recueillis sur place par notre correspondant Didier Laurent.

© Peugeot Sport