A l'occasion du Grand Prix de France de F1, Adrien Paviot, qui commentait la course sur les antennes de TF1, s'est confié à France Racing sur son autre activité : le design des casques.

Tu as commencé le design des casques en 2006 pour financer tes études de journaliste.
De manière professionnelle, oui. Avant, je le faisais en amateur pour mes amis. Depuis que j'ai commencé le karting, vers 11/12 ans, j'aime dessiner des casques. Plus que des décorations de voitures que je fais maintenant.
J'ai professionnalisé l'activité lorsque j'ai gagné le concours de design du casque de Franck Montagny pour les 24 Heures du Mans. Ça a été l'élément déclencheur. J'ai commencé à faire des maquettes d'une manière plus professionnelle sur ordinateur et ça a été le début de mon activité.

D'où t'es venu cette passion du design ?
Depuis tout petit. Je dessinais des voitures, ce qui était un bon moyen de vivre ma passion. Je dessinais aussi des bande-dessinées. Je rêvais de dessiner pour Michel Vaillant. C'est vraiment quelque chose qui me passionne. J'adore la déco de casque aussi et le dessin, c'était le créneau idéal. Il faut savoir que lorsque j'ai commencé à faire ça, le métier de designer de casques n'existait pas, en tout cas dans la voiture. Dans la moto, oui, pour les casques commerciaux mais dans la voiture, c'était quelque chose de beaucoup moins développé. Il a fallu en quelque sorte créer le métier pour pouvoir presque en vivre aujourd'hui.

Qui ont été tes premiers clients ?
Le premier client connu a été Romain Grosjean. On a roulé dans le passé ensemble, on est très proches. Il y a ensuite Sébastien Loeb, Sébastien Ogier, Max Verstappen, Pierre Gasly, Charles Leclerc, Kevin Magnussen. Aujourd'hui, j'ai fait les casques de 8 des 10 premiers pilotes du championnat WRC.

Comment se sont passés les contacts avec la plupart des pilotes ?
Il y a un élément déclencheur, c'était de faire les design de Romain Grosjean. J'ai fait ses designs parce que c'était un ami mais parce que je croyais à son retour en F1. C'était après l'épisode Renault en 2009. Il y a un peintre dans le Var, Aero Magic, qui m'a contacté et qui voulait peindre les casques Romain Grosjean. Il croyait également au retour de Romain en F1. On a convenu d'un deal, à savoir qu'il peigne les casques de Romain Grosjean, et en échange, je récupérais le design des casques de Sébastien Loeb (Aero Magic est le peintre historique de Sébastien Loeb).
Je me suis retrouvé à faire les designs de Sébastien Loeb, qui a monté un peu plus tard son équipe, le Sébastien Loeb Racing, pour lequel il a roulé. Il m'a mis en relation avec Red Bull pour faire les décos de l'écurie et c'est comme ça que la relation avec Red Bull a débuté. C'est par eux que j'ai eu Max Verstappen, Sébastien Ogier... Pour Pierre Gasly, c'est différent, c'était pas relation autre que Red Bull. Le contact avec Charles Leclerc s'est fait par Bell, Kevin Magnussen parce qu'il aimait les casques de Romain Grosjean. Cela s'est fait de bouche à oreille.

Y'a-t-il un pilote plus exigeant qu'un autre ?
Non, ils ont des demandes très différentes. Romain Grosjean aime changer d'une année sur l'autre, Kevin Magnussen tient à son identité visuelle, Pierre Gasly aime les choses plus épurées. Charles Leclerc a été plus complexe. Lorsqu'il est arrivé en F1, il a voulu revoir totalement la charte graphique de son casque. Il a fallu presque repartir de zéro. Aujourd'hui, il ne veut pas en changer. Ça reste très proche de ce qu'il a eu. On a une sorte d'équilibre très complexe à trouver.

As-tu eu une demande « farfelue » ?
Il y en a eu plusieurs. Je n'ai pas d'exemples précis mais on s'adapte toujours. J'ai eu des projets hors du commun. Le casque de McQueen, qui a été élu plus beau casque de la saison 2013, était quelque chose d'un peu spécial pour l'époque.

Combien de temps passes-tu sur le design d'un casque ?
Ça peut aller de 4 heures à 16 heures. Cela dépend du projet. Le casque de Pierre Gasly pour le Grand Prix de France 2019 a pris 4/5 heures parce que le design de base existait. Par contre, le casque 2017 de Romain Grosjean m'a pris 36 heures. J'en fait 450 par an environ.

As-tu déjà fait un casque presque similaire voire identique à un autre ?
Non. Après, il y a des styles, des modes. Le problème est qu'ils s'inspirent tous les uns des autres, c'est compliqué. Pierre Gasly voulait quelque chose de similaire à Dan Ticktum pour le 1000e Grand Prix. C'est délicat de faire en sorte qu'il ne se ressemble pas trop. On arrive toujours à trouver des parades, des codes couleurs, jouant avec le mat ou du brillant, ce qui change complètement le design tout en gardant le même esprit.

Adrien Paviot, le pilote

Tu as connu Romain Grosjean quand vous courriez ensemble. Quel a été l'élément qui t'a fait arrêter la compétition ?
J'ai toujours été très lucide. Surtout durant l'année du championnat de France de Formule Renault 2.0, en 2005, j'ai vu ce que Romain Grosjean arrivait à faire et que je n'y arrivais pas, j'ai tout de suite compris que je n'avais pas forcément le talent. Contrairement à la plupart des pilotes de course, il y a des voitures dans lesquelles je n'aime pas rouler, la monoplace en faisait partie.
D'entrée de jeu, pour être un grand pilote professionnel, ça péchait. J'adore les voitures à portes, les berlines, les voitures moins conventionnelles. Après, je me suis aperçu que je pouvais prendre autant de plaisir derrière un micro que derrière un volant. C'est là que j'ai revu ma carrière.

Tu es retourné derrière un volant en 2016, en roulant en NASCAR Whelen Euro Series. Quel a été l'élément déclencheur ?
Avant ça, j'ai eu l'opportunité de faire la Coupe du Monde de karting en 2016. J'ai acheté un kart pour rouler avec mes amis. On avait fait ça pour les 30 ans de Romain Grosjean. On s'est amusé et ça m'a bien plu. Je me suis dit « j'ai envie de faire du kart ». C'est un ami de longue date qui était dans la compétition qui me l'entretenait.
En roulant, il m'a dit que ça pourrait donner quelque chose en compétition. Je l'ai acheté pour m'amuser et puis j'ai décidé de faire un chrono et après, j'ai dit « c'est bon, on reprend la compétition ». J'ai fait la Coupe du Monde cette année-là, qui n'était pas forcément prévue. C'est après que j'ai eu l'opportunité de rouler en Caterham d'abord puis en NASCAR.

Comment arrive-t-on à concilier autant d'activités, à savoir designer de casques, pilote, journaliste et commentateur de la F1 ?
Pilote, je le fais en tant qu'amateur. Je ne fais que trois courses par an. Tout est une question de priorité. Le design, c'est la semaine, la télévision, c'est le week-end. Il y a une sorte d'équilibre qui s'est imposé.
TF1 est prioritaire sur le design, car c'est une énorme opportunité. Je ne peux pas dire « non, je ne vais pas commenter la F1 sur TF1 parce que je dois dessiner des casques ». Mais je ne dénigre pas le design, qui est ma principale activité.