Vous souvenez-vous de Giancarlo Minardi ? C'est le créateur de l’équipe éponyme revendue à Red Bull au cours de la saison 2005 ! Il a commenté l'actualité de la F1 ces derniers jours concernant les dépenses des écuries d'aujourd'hui et souligne la perte de contrôle des coûts par ces dernières.

En effet, voici ses déclarations dans la Presse :

« Dépenser plus de 400 millions de dollars (environ 370 millions d’euros), en ayant une équipe composée de 1.000 personnes pour construire deux voitures est absurde. Comme il est fou de payer 25 millions de dollars (environ 23 millions d’euros) pour une unité de puissance alors qu’il y a encore quelques années, le prix d’un moteur avoisinait les 5-6 millions de dollars (entre 4.5 et 5.5 millions d’euros) ».

Il est vrai que les coûts en F1 ont tendance à faire l’objet de discussions, certains ayant les moyens d'assumer de telles charges, quand d’autres survivent et peinent à boucler la saison. Deux poids, deux mesures qui se font ressentir sur la grille et qui ont tendance à continuer ce fossé entre constructeurs ou riches investisseurs et les derniers petits « artisans ».

Mais Giancarlo Minardi a-t-il raison ? Est-ce un phénomène propre à aujourd’hui ou quelque chose de récurrent en F1 ?

Le cas McLaren

Au cours des vingt dernières années, McLaren a remporté deux fois le titre des pilotes et une fois le titre des constructeurs (on ne compte pas la saison 2007 où l’équipe a été déclassée suite au Spygate).
Les éditions 98 et 99 marquent des années importantes de ces deux dernières décennies pour l’équipe de Woking avec le duo Adrian Newey (à la conception de la voiture) et avec Mika Häkkinen au volant de celle-ci. Si certains pensent que le titre 1999 a été offert au Finlandais Häkkinen suite à l’accident de Michaël Schumacher à Silverstone (ce qui handicapera Ferrari dans sa lutte pour le championnat), n’oublions pas la pugnacité d’Eddie Irvine qui endosse le rôle de leader au sein de la Scuderia. Une prestation qui forcera le respect, tant l'Irlandais n'a pas démérité face à la tâche et la pression mise sur ses épaules par la maison-mère Italienne.

Pour remporter le titre, McLaren a dopé son budget en 1998, le faisant évoluer de 85 millions d’euros à 117 millions, soit une hausse de 37% ! Du côté du personnel, si les chiffres englobent toute la société McLaren, ce qui comprend l’équipe de F1, de F3000, McLaren Cars, TAG Electronics et toutes les sociétés où McLaren Technology est actionnaire et entrent dans le bilan général, les effectifs ont progressé de 19% passant de 638 à 760. La saison 1999 connaît une nouvelle hausse du budget de 17%, flirtant désormais avec les 137 millions d’euros, ainsi qu'une hausse de 5% du personnel, capitalisant alors 800 personnes travaillant pour le compte de McLaren.

Quelques années passent et l'année 2007 se présente à McLaren, qui monte en puissance avec son duo hispano-britannique. Même si l’équipe est déclassée, à la régulière, elle remporte le titre des constructeurs. Ainsi, le budget pour cette saison polémique était de 212 millions d’euros (une hausse de plus de 50% par rapport au dernier titre remporté) et une augmentation du personnel pour le groupe entier de près de 70% avec 1360 personnes présentes dans la société. Si difficilement quantifiable, McLaren n’a pas attendu 2015 pour embaucher un millier de personnes au sein de sa structure.

Mercedes dans la ligne de mire

La phrase de Giancarlo Minardi vise clairement des équipes comme Mercedes ou Ferrari qui dépensent sans compter. Si les bilans de la Scuderia Ferrari ne sont pas publics, ceux de Mercedes le sont.
Prenons en exemple deux années, l’année Brawn (2009) et l’année du premier titre Mercedes (2014). Lors de l’année de Ross Brawn, l’équipe dispose d’un budget plus que confortable de 273 millions d’euros avec un effectif de 533 personnes, après avoir licencié un tiers de son personnel au début de la saison 2009. Outre le budget, c’est aussi le pari technologie (finement adopté par Honda, à l'époque en sacrifiant sa saison 2008) qui a permis à l'écurie BrawnGP de s'emparer des deux titres (pilotes et constructeurs), avec le fameux double-diffuseur qui fit tant défaut à la concurrence.

Mais peut-on comparer l’année d’un titre financé en partie par un constructeur et celui d’un constructeur à part entière ? A l'évidence, non !

Mercedes a dépensé beaucoup pour remporter le premier titre de l’ère V6 Turbo. Mettons tout bout à bout, et commençons par l’équipe en elle-même. L'année 2014 a été une folie dépensière à Brackley avec presque 300 millions d’euros d'investissement pour un budget ne représentant que 57% de cette somme. Mais qu’importe pour la marque à l’étoile, c’est le prix pour être Champion.

Mais ce n’est pas la seule dépense opérée par Mercedes, puisque pour faire avancer la W05, il faut une unité de puissance. Mise en chantier au cours de l’année 2011, le groupe motopropulseur a coûté une somme proche du demi-milliard d’euros. Même si Mercedes motorise quatre équipes, rien que pour l'exercice 2014, la division "moteur" a dépensé 186 millions d’euros et a dû employer 538 personnes pour mener le projet à bien, auquel on peut ajouter les 765 autres membres de l’équipe de course.

Faisons les totaux. Presque 486 millions d’euros de dépenses et 1303 personnes présentes dans les rangs… La F1 vue par Mercedes est démesurée pour ne pas dire irrationnelle ! On pourrait parler aussi de Red Bull qui a dépensé pour ses titres 820 millions d’euros, soit une moyenne de 205 millions par saison, bien loin, très loin de ce qu’on peut lire.

Qui peut mettre autant d’argent dans une équipe de nos jours ? A part Ferrari et Mercedes ? Personne, et c’est bien là que commence le problème d’une F1 totalement contrôlée financièrement par les motoristes-constructeurs…