Jean-Philippe Caron, créateur du trophée du Grand Prix du Canada à 4 reprises, nous dévoile celui de 2019 et nous explique tout de sa conception.

Retenu une fois de plus pour la création du trophée du vainqueur pour le Grand Prix du Canada, Jean-Philippe Caron a eu les louanges de la marque sino-italienne dans un communiqué. Jean-Philippe Caron est à la tête de son entreprise, Protocole - trophées d'exception, et produit aussi d'autres réalisations pour des événements en dehors de la F1, vous pouvez admirer son travail depuis son site internet.

"Pirelli est fière d’être le commanditaire en titre du Formula 1 Grand Prix du Canada 2019. En tant que compagnie internationale, il nous apparaît primordial que les trophées qui seront remis aux vainqueurs de la course soient conçus par un talent local et nous sommes très heureux d’avoir fait confiance à la créativité d’un artiste d’ici.  Les trophées résultant de notre travail de collaboration avec Jean-Philippe Caron et son équipe chez Protocole – Trophées d’exception sont une très grande réussite, et font la fierté de Pirelli."

Jean-Philippe Caron, vous êtes encore le concepteur du Trophée du vainqueur pour le Grand Prix du Canada, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Pour moi, créer un trophée pour la course automobile la plus prestigieuse du Canada, c’est un cadeau exceptionnel, un privilège et une grande marque de confiance qu’on me fait. C’est un mandat qui me pousse au dépassement, c’est du pur prestige.

Je suis très fier puisque c’est Pirelli, à Milan en Italie qui a fait les démarches pour travailler avec moi.  Pirelli est le commanditaire en titre du Formula 1 Grand Prix du Canada, ils ont insisté pour que ce soit un créateur québécois qui conçoive le trophée de l’édition 2019.

Pirelli m’a adressé une demande très spécifique pour ce trophée : exploiter la feuille d’érable canadienne et intégrer de façon éclatante les couleurs jaune et rouge de leur logo. Ils ont aimé le trophée que j’ai créée en 2015, alors je me suis inspiré de ce dernier pour créer le trophée de 2019.

En quelle année, avez-vous débuté votre collaboration avec la F1 pour la coupe du vainqueur ?
Ma première collaboration avec le Grand Prix de Formule 1 de Montréal date de 2015, c’est cette année-là que mon tout premier trophée de F1 a été dévoilé. En 2019, ce sera le 4e !

Comment l’idée vous est venue, avez-vous pensé que cela soit réalisable ?
Mon vrai défi, c’est de trouver de l’inspiration de façon quotidienne, j’ai beaucoup de clients, je produis des trophées tous les jours. Mon but premier, c’est qu’il soit beau, qu’il passe bien à l’image. Je souhaite que mes trophées produisent une émotion. En F1, le vrai défi réside dans les contraintes techniques. Il faut que le trophée du vainqueur fasse 65cm de hauteur et ne dépasse pas 5 kg. Je cherche donc à créer un trophée qui représente le prestige et le dépassement, tout en respectant les normes très strictes de la F1.

D’où et comment vous vient l’inspiration pour les trophées ? Comment se renouvelle-t-on chaque année ?
L’inspiration, c’est quelque chose de mystique, c’est difficile d’identifier d’où elle vient. On m’a demandé de travailler l’emblème du Canada, la feuille d’érable et Pirelli voulait voir leurs couleurs. La commande était très claire et je crois que j’ai réellement bien servi leur demande.

Le trophée est très aérien et très stable, il est solide, c’est en quelque sorte un totem qui rend hommage au Canada et à Pirelli. Je me plais à dire que ce trophée 2019, c’est « une rencontre entre Pirelli et la feuille d’érable canadienne » !

Pour en revenir au trophée de 2015, lorsque François Dumontier m’a demandé de concevoir un premier trophée pour sa course à Montréal, j’ai parcouru le circuit à pied, et je me suis inspiré de ce que j’ai vu autour de moi, les arbres. J’ai voulu que ce trophée représente cet aspect-là, sans pour autant que ce soit un simple arbre, mais qu’il évoque la nature autour du circuit.

Avez-vous des directives pour le design du trophée, vous a-t-on déjà refusé une maquette ?
Pirelli souhaitait un trophée créé par un talent local. François Dumontier, le promoteur du Grand Prix du Canada m’a fait confiance depuis le début de notre collaboration (2015-2016). J’ai également été honoré de me voir confier celui de l’année 2017 qui se voulait être un hommage aux 50 ans du Grand Prix du Canada. Ce trophée était d’ailleurs composé d’aluminium et d’une base en érable, pour représenter le bois des volants des anciennes F1, puis en intégrant des tiges en fibre de carbone tressées de kevlar, comme dans les monoplaces d’aujourd’hui, j’ai rejoint le présent des voitures.

Je n’ai jamais eu de refus de maquette, mais plutôt des ajustements, et c’est normal. Ce sont les affinités du client qui veulent qu’on modifie soit la base ou le socle du trophée. Jamais, on ne m’a demandé d’annuler une maquette, seulement quelques ajustements. Parfois, je propose deux concepts différents, alors un des deux est retenu.

Combien de temps faut-il pour la conception ? Quels sont les matériaux, la taille et le poids des trophées ?
L’idée du trophée c’est un flash, c’est instantané, quelques instants de réflexion, inspiré par une idée. Ensuite ce sont toutes les étapes de conception des rendus 2D et 3D qui prennent des heures, j’envoie tout ce travail au bureau de Pirelli à Montréal et qui l’envoie ensuite en Italie. Une fois le trophée approuvé, il faut compter 2 semaines de fabrication car on y intègre des matériaux complexes à travailler. L’aluminium est découpé à l‘aide d’un jet d’eau extrêmement fin, qui perfore le métal à 27 tonnes de pression.
L’aluminium est ensuite brossé, traité au jet de sable puis il est nettoyé. Selon les codes de couleurs de Pirelli, on y applique une peinture identique à celles des voitures, puis il y a un vernis qui prendra 6 jours à durcir.

La base du trophée est usinée également en aluminium. Les logos de la F1 et autres identifications y sont usinés. La base du trophée est évidée, sinon, il serait trop lourd.

Quelle serait la forme ou l’idée la plus excentrique, la plus visible, la plus marquante pour un trophée pour vous ?
Le trophée du GP de France de l’an dernier, le Gorille, était quelque chose d’excentrique et sorti des sentiers battus. Ce trophée était une adaptation miniature d’une œuvre d’un artiste bien connu en Europe. Ce gorille a donc créé de vives émotions chez moi. J’étais très sceptique au début, puis en découvrant l’artiste, j’ai compris la logique de son travail. Un trophée, il faut que ça soulève les passions, il faut que ça marque l’imaginaire, celui que j’ai créé pour le Grand Prix du Canada cette année, je pense qu’il va susciter de vives émotions.

J’aime à ce que les gens se questionnent lorsqu’ils regardent mon travail et qu’ils en fassent leur propre interprétation. J’aime que les gens transposent leurs propres idées face mes créations. Par exemple, le trophée de 2015, pour moi, il était clair que c’était un arbre. Mais certains y ont vu une ampoule, d’autres une boule d’énergie. J’ai même entendu une comparaison avec un « batteur à œufs géant », ça m’a bien fait rire !

Ce dont je suis fier c’est qu’à chaque année où j’ai réalisé le trophée, Lewis Hamilton demande à Mercedes de commander un trophée supplémentaire pour se propre collection. C’est aussi une fierté que mes trophées soient admirés par les pilotes (par 3 fois, Lewis Hamilton a demandé un exemplaire de mes trophées et en 2017, Daniel Ricciardo en a commandé aussi un exemplaire). Être à son bureau, quelques jours après le Grand Prix et recevoir un coup de fil de la part de Red Bull qui me demande de produire à nouveau un exemplaire pour Daniel Ricciardo, c’est un moment assez spécial.

Jean-Philippe Caron revenait avec nous également sur son trophée 2017 composé de la feuille d'érable en son sommet et que le photographe Mark Sutton a su immortaliser de façon exceptionnelle, lorsque le soleil est venu frapper ce dernier en son sommet. La feuille d'érable s'est illuminée donnant encore un tout autre aspect au trophée, une belle surprise pour Jean-Philippe Caron qui n'avait pas pensé qu'avec cet angle de vue et une telle lumière son trophée pouvait encore surprendre.