Aileron avant Ferrari

Aileron avant Ferrari (année 2000).

Depuis que la Formule 1 existe, une course effrénée perdure jusqu'à nos jours: celle de la recherche et du développement de la performance absolue.

L'un des axes d'amélioration des plus importants concerne l'aérodynamique. Cette science consiste à optimiser l'écoulement du flux d'air qui représente une force à forte vitesse de manière à plaquer le plus possible le châssis au sol dans le but de rechercher la meilleure adhérence possible dans les virages rapides. Le tout en minimisant la traînée aérodynamique, qui elle représente les perturbations dégradant la performance.

Le défi des ingénieurs aérodynamiciens consiste donc à concevoir le meilleur ensemble aérodynamique possible entre vitesse maximale et quantité d'appui aérodynamique selon la nature du tracé, c'est à dire lent, intermédiaire ou rapide.

L'un des éléments les plus importants concerne l'aileron avant, appendice apparu dans la fin des années 1960 sur la Lotus 49B. Il s'agit également de la toute première pièce d'une monoplace subissant la force de l'air.

Lotus 49B, première F1 à aileron avant

Lotus 49B, première F1 à aileron avant.

Mais comment fonctionne t-il ?

A l'inverse d'une aile d'avion qui a une forme particulière apte à la portance afin que celui-ci puisse décoller, une aile de F1 est inversée dans le but de réaliser une déportance, c'est à dire une forme spécifique qui permet à l'aile d’être plaquée au sol grâce au flux d'air augmentant proportionnellement avec la vitesse de la monoplace.

Principe fonctionnel de la déportance aérodynamique

Principe fonctionnel de la déportance aérodynamique.

Cette solution est arrivée au moment où les monoplaces devenaient de plus en plus rapides, mais avaient le défaut de posséder un train avant qui ne collait pas assez au sol lorsque la monoplace était en phase d'accélération ou en virage rapide. Cela entraîne un manque d'adhérence, une monoplace moins agile et plus délicate à piloter. On peut constater également une augmentation du sous-virage et un besoin du pilote de freiner plus tôt en entrée de courbe, ce qui nuit au temps au tour.

Par la suite, cet aileron s'est complexifié toujours en fonction des améliorations du niveau de performance des monoplaces.

Les éléments constitutifs d'un aileron avant :

Les éléments principaux d'un aileron avant

Cet aileron est divisé en quatre parties principales :

1- Le grand profil principal qui correspond à la base structurelle de l'ensemble

2- Le profil secondaire qui se charge de dévier le flux d’air vers les pontons et déflecteurs latéraux

3- Le museau sur qui l'ensemble est attaché et qui fait office également de pointe d'aileron de châssis

4- Les ailettes verticales et horizontales qui ont pour but de dévier le flux d'air autour du pneumatique

Pourquoi est-il devenu compliqué de développer un aileron avant efficace ?

Jusqu'aux années 2000, l'aileron avant est resté une aile relativement simple dans sa conception, c'est à dire une ou deux lames superposées verticalement et délimitées par des dérivations verticales qui ont pour but de canaliser le flux d'air le plus possible autour des roues, qui sont la cause principale de traînée aérodynamique (par absence de carénage).

Les formes de l'aileron avant se sont complexifiées grâce à la puissance de calcul des ordinateurs qui ont pour objectif de simuler l'écoulement du flux d'air et d'améliorer sa déviation en fonction des zones arrières qui subiront le flux, comme les roues, les pontons, les déflecteurs latéraux et le fond plat.

Toujours dans une quête absolue du meilleur compromis vitesse maximale/adhérence maximale, depuis 2009 les ailettes incluses dans l'aileron avant se sont multipliées et ayant des formes très travaillées aérodynamiquement.

BGP001 l'une des premières F1 à aileron avant complexe

BGP001 l'une des premières F1 à aileron avant complexe.

 
 
 
 
 
 
 
 
 

L'exigence de la performance est arrivée à un point où lors des arrêts aux stands pour changement des pneumatiques, les mécaniciens interviennent directement pour une fraction de seconde sur l'aileron avant pour modifier l'angle d'inclinaison des ailettes aérodynamiques. Le but étant de diminuer la quantité d'appui aérodynamique que génère l'aileron avant en accord avec l’allègement progressif des monoplaces en course ou selon les évolutions des conditions climatiques, puisque par exemple en condition de pluie, les réglages exigent une quantité d'appui supérieure.

Quel est l'avenir de l'aileron avant ?

Auparavant les museaux étaient relevés et faisaient en sorte que l'ensemble de la partie avant du châssis constituait une forme d'aile à part entière apte à laisser passer une forte quantité d'air sur la partie basse du châssis, ce qui apportait un avantage aérodynamique en performance. De nos jours, pour des raisons de réglementation liées à la sécurité, les museaux sont abaissés, ce qui cause une diminution de la quantité de flux d'air passant sous la monoplace et un abaissement de la performance aérodynamique.

En contrepartie, cela impose aux ingénieurs de se concentrer sur les ailettes latérales de l'aileron avant, et de les complexifier davantage pour compenser la perte d'appui aérodynamique de l'actuelle réglementation.

Détails de l'aileron avant de la Mercedes W06

Détails de l'aileron avant de la Mercedes W06.

Cependant, un tel développement exige des ressources financières, humaines et techniques importantes, ce qui se traduit par le fait que seules les équipes les plus puissantes comme Mercedes, Ferrari, Red Bull ou Mclaren sont capables de concevoir les ailerons avant les plus efficaces, ce qui nuit à la compétitivité des autres équipes plus modestes incapables d'avoir la même quantité d'appui ni la même précision dans la déviation du flux d'air.

On peut donc envisager que les réglementations techniques à venir liées à la volonté d'abaisser les coûts de la discipline, entraînent une simplification de l'aileron avant, ce qui induirait une diminution de l'appui aérodynamique de cet élément important dans les performances d'une Formule 1. Une issue salvatrice pour les écuries les moins richement dotées, viendrait de la nouvelle réglementation technique de 2017, qui, avec une importance toute donnée à l'exploitation du châssis et de la mécanique, au détriment de l'aérodynamique, pourrait leur permettre un petit bond en avant dans la hiérarchie.

Ces éléments de carbone (si précieux) en évolution permanente, qui sont l'empreinte génétique des F1, façonnés depuis par les ingénieurs qui se livrent une rude bataille pour le titre des Constructeurs, sont-ils en péril ? Allons-nous assister à la décadence des ailerons des F1 ?