L'Arabie saoudite a mis en lumière un des problèmes les plus critiqués de la F1, à savoir son éthique à géométrie variable.

"La F1 et la FIA peuvent confirmer qu'à la suite des discussions avec toutes les équipes et tous les pilotes, le Grand Prix d'Arabie saoudite 2022 de F1 se déroulera comme prévu'', explique le communiqué conjoint de la FIA et de Liberty Media, propriétaire de la F1.

Ce vendredi, pour la seconde fois en moins d'une semaine, la ville de Jeddah a connu une attaque. C'est une installation pétrolière d'Aramco, sponsor de la F1 mais aussi de l'équipe Aston Martin, qui a été l'objet d'une attaque par les rebelles yéménites Houthis. Cette situation a laissé planer un doute sans précédent dans l'esprit du Circus.

Une réunion a eu lieu avant le début des deuxièmes essais libres, avant qu'une autre soit organisée dans la soirée de vendredi. Après la première déclaration de Stefano Domenicali, l'homme qui dirige actuellement la F1, accompagné de Mohammed Ben Sulayem, nouveau président de la FIA, les pilotes ont continué la réunion.

Une éthique à géométrie variable ?

Il y a un mois, après le début du conflit opposant la Russie et l'Ukraine, la F1 comme la FIA ont pris différentes mesures vis-à-vis du pays contrôlé par Vladimir Poutine. La plus forte sanction est l'annulation du contrat avec l'organisateur du Grand Prix de Russie, qui devait se courir pour la dernière fois à Sotchi en 2022, avant de rejoindre Igora Drive.

Quid des autres ? La F1 est obligée, par sa posture, par sa mondialisation, de "fermer les yeux" sur certaines situations, et de courir dans des pays politiquement et éthiquement discutables. Pourtant, le pinacle de la monoplace adopte une déclaration d'engagement au respect des Droits de l'Homme

1. Le Formula One Group s'engage à respecter, dans ses activités mondiales, les Droits de l'Homme internationalement reconnus.
2. Tout en respectant les Droits de l'Homme dans l'ensemble de nos activités, nous concentrons nos efforts en ce qui concerne les domaines qui sont au sein de notre propre influence directe. Nous le faisons en prenant des mesures proportionnées pour :
(a) comprendre et surveiller selon notre procédure de vérifications préalables, les atteintes potentielles aux Droits de l'Homme liées à nos activités ;
(b) identifier et évaluer, en procédant à une vérification préalable le cas échéant, les atteintes aux droits de l'Homme indésirables, réelles ou potentielles, avec lesquelles nous pouvons être impliqués par nos propres activités ou à la suite de nos relations d'affaires, incluant, mais pas uniquement, nos fournisseurs et promoteurs ;
(c) envisager des réponses pratiques à tous les problèmes soulevés lors de notre vérifications préalables, en tenant compte du contexte ;
(d) s'engager, le cas échéant, de sérieuses discutions avec les parties prenantes en ce qui concerne toutes les questions soulevées à la suite de notre vérification, et ;
(e) respecter les Droits de l'Homme de nos employés, en particulier les interdictions concernant travail forcé et le travail des enfants la liberté syndicale et d'association, le droit de négocier collectivement, et l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.
3. Lorsque les lois et les règles nationales sont en conflits avec les Droits de l'Homme internationalement reconnus, le Formula One Group cherchera des moyens de les honorer autant que possible, sans se mettre en violation des lois et règles nationales.

A ce jour, plusieurs Grands Prix ont connu des controverses. On peut parler du Grand Prix d'Afrique du Sud 1985, boycotté par les équipes françaises à cause de l'Apartheid, ou encore du Grand Prix de Bahreïn 2011, qui aurait dû se dérouler en plein "Printemps Arabe".

Qu'importe, ce n'est pas une action ponctuelle qui justifie la présence de nombreux pays au calendrier de la F1. Bahreïn est toujours présent, et dispose même d'un contrat jusqu'en 2036 ; l'Azerbaïdjan a sa course dans les rues de Baku ; la Chine, qui n'est plus au calendrier depuis le début de la pandémie mondiale, a été un des évènements asiatiques durant de nombreuses saisons (et y reviendra dès 2023 si la situation pandémique le permet) ; l'Arabie saoudite qui a rejoint le calendrier l'an passé, tout comme le Qatar, dont la présence est également controversée.

Rappelons quelques faits concernant l'ensemble de ces pays :

  • 81 personnes ont été exécutées il y a à peine quinze jours en Arabie saoudite pour des infractions très diverses allant d’infractions liées au « terrorisme » au meurtre, en passant par le vol à main armée et le trafic d’armes, comme le rapporte Amnesty International, sans parler du fameux missile balistique qui a été intercepté après l'arrivée du E-Prix de Diriyah. Sans oublier en début d'année, un attentat à la bombe visant l'un des participants du Dakar 2022 qui se déroule aussi en Arabie saoudite.
  • l'Azerbaïdjan a été en guerre contre l'Arménie jusqu'en novembre 2020, le pays étant même sous l'accusation de crime de guerre. Aujourd'hui, ce premier a décidé, selon les différents rapports, de couper l'approvisionnement en gaz d'une partie du pays cher à Charles Aznavour.
  • le Qatar, qui a rejoint le calendrier l'an passé, a adopté une loi visant à restreindre la liberté d'expression. Les exécutions ont repris, après une trêve de 20 ans.
  • la Chine est connue pour ses nombreuses attaques envers des pays dits indépendants comme Hong-Kong ou encore récemment Taïwan.

Le réveil de la F1 ?

Est-ce que l'Arabie saoudite va avoir un effet sur les décisions de la F1 ? Cela semble peu sûr. La F1, dirigée par Liberty Media, reste avant tout une entreprise, qui cherche à gagner de l'argent, à payer les équipes qui courent pour assurer un spectacle qu'elle cherche à vendre dans le monde entier. Le schéma économique de la F1 est incompatible, en l'état, avec l'éthique.

Plusieurs directeurs ont annoncé qu'une discussion aura lieu dans les prochains jours concernant l'avenir du Grand Prix d'Arabie saoudite, bien que l'issue finale soit dictée par Liberty Media. Mais qui pour remplacer le Grand Prix saoudien, et surtout qui pour apporter autant d'argent que le pays de la péninsule arabique ?