Le week-end du 1er mai 1994 a été particulièrement tragique pour le petit monde de la F1 : la disparition de Roland Ratzenberger et Ayrton Senna lors du Grand Prix de Saint-Marin. Quelles sont les évolutions en sécurité depuis ce tragique week-end ?

La F1 est une discipline en perpétuelle évolution, elle a connu de profonds changements suite à de tragiques accidents. Ainsi, à chaque modification faite sur une monoplace, les sempiternelles remarques réactionnaires voire réfractaires refont surface. Bien souvent on entend des "c'était mieux avant" ou encore, "ça dénature l'ADN de la F1".

Il est bon de clarifier une chose, l'ADN de la F1 est une notion assez vague. La F1 est une discipline régie par de multiples facteurs, commerciaux, sportifs, éthiques, politiques, géopolitiques, stratégiques et d'un point de vue plus direct : d'une technologie en perpétuelle évolution. Il est facile de constater par groupes de décennies qu'aucune monoplace de F1 ne ressemble à celle dont elle descend... Elle se métamorphose, se bonifie certainement sur le plan de la sécurité.

Les évolutions de la sécurité en F1

Nombreux sont les pilotes qui ont couru sur les Grands Prix au péril de leur vie, certains mêmes n'en n'obtiendront même pas les lauriers comme Jochen Rindt qui se tua au Grand Prix d'Italie 1970 et reste le seul pilote Champion du Monde de F1 à titre posthume. Beaucoup de pilotes observent l'hécatombe qui tourne autour d'eux, Jackie Stewart fera ce constat qu'il y avait 1 chance sur 3 de survie sur une période de 5 ans !

La question de la sécurité deviendra une priorité pour les pilotes, les organisateurs s'en souciaient également... progressivement ! Les F1 devenaient de plus en plus rapides mais les circuits n'évoluaient pas, premier constat éloquent, il fallait réagir.
Il fut une époque où à Zolder ou Zandvoort, les bacs à graviers étaient des tranchées de terre quand ce n'était pas des barbelés et des piquets plantés qui ornaient les bas-côtés de la piste. On vous fait grâce des années 50 ou les ballots de paille délimitaient la piste et des trottoirs bien saillants à Monaco.

L'après F1 artisanale avec ses "garagistes" (selon les mots d'Enzo Ferrari), bientôt l'heure de se moderniser viendra avec l'argent pour sauver les pilotes de ce funeste destin qui les attendait. Pourquoi ne pas afficher un logo d'un sponsor sur les monoplaces pensa Colin Chapman ? Les F1 étaient des voitures désirées, observées, le sponsoring était né !
L'argent apporté par les mandataires allaient servir la cause de la sécurité. Il fallait moderniser les circuits, changer les infrastructures, installer des rails de protection (le Grand Prix d'Espagne 1975 verra des mécaniciens de plusieurs écuries se charger de fixer correctement les rails suite à la protestation des pilotes).

L'équipement du pilote en monoplaces

Les pilotes voulaient juguler ce danger permanent mais également ceux qui allaient se retrouver dans des rôles d'importance et certains meurtris d'avoir côtoyé la mort de près en ayant perdu des pilotes lors de Grands Prix. Ce fut le cas pour Max Mosley, ex-patron d'écurie et futur Président de la FIA et Bernie Ecclestone, ex-patron d'écurie et futur détenteur des droits commerciaux de la F1 (FOM).
Chacun d'entre eux ont agi et pris des décisions dans le sens de la sécurité mais ne pouvant en aucun cas "spéculer sur ce qui aurait pu être fait, on ne peut anticiper un tel enchaînement d’événements inattendus" comme le rappelle Jackie Stewart.

La doctrine de Max Mosley était assez claire : "Quoi qu'il arrive à une monoplace de F1, on ne doit pas y mourir dedans". Les lendemains de ce 1er mai 1994 étaient remplis de questions. Pourquoi un pilote meurt-il à bord d'une F1 ? Comment cela arrive-t-il encore ? Pourquoi est-ce si dangereux ?

Ce qui a changé après le 1er mai 1994

  • La Crash Box : Depuis 1991 des crash tests sont obligatoires pour homologuer la cellule de survie du cockpit. Les Crash Box sont les sections déformables qui encaissent et dissipent l'énergie cinétique du choc, elles sont présentes dans le museau de la F1, à l'arrière au-dessus de l'extracteur, et dans les pontons en cas de chocs latéraux. Ces dernières ont été encore renforcées et les crash-tests sont toujours nécessaires en début d'année afin de valider un nouveau châssis.

  • Les protections latérales du cockpit : Au fil des années, les protections latérales de la tête du pilote ont été revues à la hausse. Là où l'on voyait les épaules du pilote en 1994, aujourd'hui on ne voit que la partie supérieure du casque. Pour mieux comprendre les accidents et leurs conséquences, des accéléromètres sont imposés et des caméras hautes fréquences braquées sur la tête du pilote sont ajoutées.
  • ADR - Accident Data Recorder : Les monoplaces sont équipées d'une boite noire, il s'agit d'un enregistreur de données qui est rendu obligatoire sur toutes les monoplaces.
  • Hans : En 2003 le Head And Neck Support (HANS) fut instauré en F1. Un équipement qui enlace la tête du pilote pour que le casque se fixe dessus et évite ainsi le coup-du-lapin. Aujourd'hui, le HANS a investit toutes les catégories des sports automobiles.

  • Casque FIA : Les casques sont soumis à des normes auprès de la FIA pour la F1. Ils ont constamment évolué, les derniers introduits en 2019 proposent une meilleure protection et une surface de visière réduite pour renforcer le casque.
  • Headrest : L'appuie-tête est une structure conçue pour absorber une partie de l'énergie cinétique de la tête du pilote lors d'un impact, permettant ainsi de réduire les risques de blessure.

  • Gants biométriques : La FIA a commencé un programme d'expérimentation en 2018 sur les gants biométriques capables de mesurer la fréquence cardiaque des pilotes et le niveau d'oxygène dans le sang. Ce système fonctionne grâce à des mini capteurs intégrés aux gants.
    Dès 2019 ces gants deviennent obligatoires ce qui signifie qu'en cas d'accident, les équipes médicales pourront rapidement relever les signaux vitaux du pilote avant même d'obtenir un premier diagnostic dans un hôpital. Un temps précieux de gagner qui pourrait être crucial quant aux suites et décisions à prendre.
  • Halo : L'un des systèmes les plus décriés de ces dernières années car certains le jugeaient disgracieux, peu pratique ou inefficace et pourtant... Il a déjà fait ses preuves. Le Halo est ce système qui fait partie intégrante des monoplaces qui se place devant la tête du pilote afin de dévier des débris ou projectiles (décliné dans plusieurs catégories de monoplaces).
  • Barrières TecPro : Les barrières de sécurité ont aussi un rôle à jouer lorsqu'une monoplace sort de la piste et vient heurter ces dernières. Les TecPro doivent dégager l'énergie cinétique et la dissiper afin de ne pas la renvoyer à l'intérieur du cockpit pour blesser le pilote. Les TecPro sont des barrières qui encaissent les chocs et se déforment sous la force de l'impact.
  • Zones de dégagement asphalte abrasif / Run-Off : Afin d'enrayer le phénomène d'enfouissement et de retournement des monoplaces par le jeu des graviers ou de l'herbe, certains circuits ont vu des zones de dégagements plus grandes avec un asphalte abrasif afin de freiner rapidement les monoplaces.
  • Baquet du pilote + sangles : Le baquet doit être solidaire du pilote. Le pilote peut être extrait de la voiture sanglé à son siège.
  • Câbles de roues : Un système de retenue des roues par câble est rendu obligatoire pour éviter leur envol lors d'un choc.
  • Combinaisons ignifugées : L'équipement complet du pilote comprend des sous-vêtements, cagoules et combinaisons ignifugés.
  • Virtual Safety Car : En cas d'incident en piste, une période temporaire de Virtual Safety-Car peut être imposée par la direction de course. Contrairement à la véritable Safety-Car qui entre en piste et regroupe tout le peloton derrière elle, la VSC oblige tous les pilotes à ramener leur vitesse à 80 km/h, conservant de facto leurs écarts entre eux et attendent de meilleures conditions de piste pour que le drapeau vert ne relance la course.

La sécurité reste toujours au cœur des préoccupations pour l'évolution de la F1. Il y a les performances d'un côté, les technologies mises en avant mais le facteur de la sécurité reste d'importance.