Le magazine américain Vanity Fair a eu un long entretien avec Lewis Hamilton, où le pilote de F1 revient sur plusieurs points de sa vie. De ses débuts en karting où il a affronté un racisme à peine dissimulé à la blessure de la perte du titre à Abu Dhabi fin 2021, le pilote Mercedes se confie.

Lewis Hamilton collectionne beaucoup de records en F1, outre ses 7 titres mondiaux, il est au sommet des statistiques sur les pole positions, les victoires, et bien d'autres chiffres encore qui donnent le vertige. Mais en dehors du pilote de F1 exceptionnel et accompli, l'histoire du Britannique est peu commune, lui qui dut affronter la société avec un racisme décomplexé, issu d'un milieu peu fortuné, il a réussi des combats qu'il ne se croyait pas capable de mener, alors enfant !

Lewis Hamilton se confie à Vanity Fair

Les débuts de Lewis Hamilton en compétition ont déjà été évoqués dans sa biographie parue en 2007 avec les nombreux obstacles qu'il a dû affronter. Évidemment, lorsqu'on est un jeune homme noir à qui on a dit pendant toute sa scolarité qu'il n'arriverait à rien, qu'il ne serait rien, quand on regarde ce qu'il a accompli aujourd'hui, c'est une histoire dont Hollywood jalouse ce scénario !

Avec des barrières ethniques que cette société mondialiste a déjà érigées, Lewis Hamilton a toujours dû affronter ce qui lui était d'emblée refusé et il dut prouver à ces détracteurs qu'ils avaient tort sur de nombreux points.

Le racisme, dès son plus jeune âge

Prouver que les gens ont tort a été un thème récurrent dans la vie d'Hamilton. "Quand j'étais à l'école, j'étais dyslexique et je luttais énormément contre ça", raconte-t-il, "et j'étais l'un des seuls enfants noirs de mon école, on me mettait dans les classes où le niveau était bas et on ne me donnait jamais une chance de progresser ou même de m'aider à progresser."

"Les enseignants me disaient : "Tu ne seras jamais rien". Je me souviens que j'étais derrière un hangar, en larmes, et que je me disais : "Je ne serai jamais rien". Et d'y avoir cru pendant une fraction de seconde." Aujourd'hui encore, il peut énumérer les professeurs qui ont martelé ce message.

"C'était la chose la plus démotivante à entendre, surtout quand vous les voyez faire tout le contraire avec vos homologues blancs". Pourtant, il en parle aujourd'hui comme si leur cruauté et leur indifférence étaient devenues une sorte de cadeau : "En fait, je n'en veux pas à ces personnes, car elles m'ont donné de l'énergie."

"Il y a beaucoup de sentiments que j'ai refoulés à l'époque et dont je n'avais même pas conscience, des émotions et des sentiments que j'avais quand j'étais plus jeune et tout est ressorti", dit-il. Les insultes racistes qu'il subissait, par exemple, à l'époque où il faisait du karting, en particulier lorsqu'il se rendait en Italie et en France. "L'insulte 'N****' circulait beaucoup", dit-il. "D'autres fois, c'était plus que des mots."

Ses débuts en karting, déjà au sommet !

Hamilton raconte que dès la première fois qu'il a piloté un kart, il était impatient de recommencer. "Tout d'abord, c'est comme avoir un super pouvoir", explique-t-il. "Je ne pouvais pas être Superman, mais c'était comme si j'avais sa cape. Quand j'ai commencer à piloter, j'ai mis un casque, et on ne m'a pas vu différent des autres. D'ailleurs, vous ne pouviez pas voir la couleur de ma peau. Vous me voyez juste comme un pilote. Et j'étais capable de faire des choses que d'autres n'étaient pas capables de faire. Et peu importe l'âge ou le gabarit des autres enfants, je pouvais toujours les battre."

A l'âge de 13 ans, on lui a proposé un contrat dans le programme de développement des pilotes chez McLaren, qui offrait un chemin potentiel vers son objectif (la F1). Puis, juste après son 16e anniversaire, un indicent à l'école aurait pu tout faire basculer.

Un camarade de classe de Lewis est battu par six autres garçons, bien qu'ils soient tous identifiés et punis, le directeur de l'école convoqua quand même Lewis Hamilton et lui fit comprendre qu'il n'avait pas encore de preuves sur lui pour s'en débarrasser (on était assurément sur un délit de faciès). Quelques semaines plus tard, une simple petite altercation (un coup de pied aurait été donné par Lewis à un autre garçon) suffira au Principal pour renvoyer Hamilton de l'école.

Lewis Hamilton pensait alors que son opportunité de soutien par McLaren était terminée, puisqu'il fallait qu'il finisse ses études. Hésitant à le dire à son père, il finit par lui expliquer la raison de son renvoi, tout en assurant à son paternel qu'il n'avait frappé personne. Le père de Lewis Hamilton s'est battu pour que son fils soit réintégré à l'école et que cette décision soit annulée, et ce fut le cas.

En 2020, dans le dernier tour du Grand Prix qui allait confirmer le septième titre de Lewis Hamilton, il raconte qu'une grande partie de cette histoire a défilé devant ses yeux : "Toutes ces expériences passées, tous les doutes que j'ai dû surmonter. C'était l'une des expériences les plus émouvantes de ma vie. C'est pour cela que j'ai dit : "C'est pour tous ces enfants..."." Ses mots exacts étaient : "'C'est pour tous les enfants qui rêvent de l'impossible'. J'avais toujours, au fond de moi, des gens qui me disaient : "Tu ne pourras jamais y arriver", il n'y a aucune chance que tu y arrives", se souvient-il.

C'est pourquoi Hamilton a continué à prendre des mesures plus concrètes. Un groupe de recherche qu'il a mis en place, la Commission Hamilton, a publié un rapport examinant en détail les raisons structurelles de la sous-représentation des Noirs dans tous les secteurs du sport automobile au Royaume-Uni et identifiant les solutions possibles. Dans la foulée, il a lancé une fondation, Mission 44, dont le but est de "soutenir, défendre et donner les moyens aux jeunes issus de groupes défavorisés de réussir en réduisant les écarts d'opportunités dans l'éducation, l'emploi et la société en général". Dans ses interventions, ce sont des thèmes auxquels il fait constamment référence.

Il a refusé un rôle dans Top Gun : Maverick

Hamilton garde un œil sur Hollywood et sera d'ailleurs prochainement impliqué dans la coproduction d'un film sur la Formule 1 et qui sera réalisé par celui à qui ont doit 'Top Gun : Maverick', Joseph Kosinski, et mettra en scène Brad Pitt. Hamilton a rencontré Brad Pitt et s'est arrangé pour qu'il visite les usines britanniques où 2 000 personnes sont unies dans la seule tâche de créer la monoplace de Mercedes.

Lewis Hamilton ne sera pas à l'écran aux côtés de Brad Pitt dans ce film (voulant éviter le cliché pour lui d'apparaître dans un film sur la F1) mais il a déjà joué dans le passé, faisant un caméo dans Zoolander 2 et prêtant sa voix dans Cars 2 et Cars 3.

Et, il s'avère qu'il a failli s'engager dans quelque chose de beaucoup plus substantiel il y a quelque temps. "En gros, je suis un ami de Tom", dit Hamilton. "Cruise", ajoute-t-il. "L'une des personnes les plus gentilles que vous puissiez rencontrer", poursuit Hamilton à propos de Cruise. "Il m'a invité sur son plateau il y a des années, lorsqu'il tournait 'Edge of Tomorrow', et nous nous sommes liés d'amitié au fil du temps."

Plus jeune, Hamilton a vu le tout premier 'Top Gun' et a fait une fixation pour devenir un pilote de chasse. "Alors quand j'ai entendu que le deuxième sortait, je me suis dit : "Oh, mon Dieu, il faut que je lui demande"", raconte-t-il. "Et puis, Je me suis dit : "Je me fiche du rôle. Je peux même balayer, être un nettoyeur en arrière-plan"." Tom Cruise a répondu favorablement, il a dit oui. Et Lewis Hamilton ne devait pas être qu'un figurant, il devait être l'un des pilotes de chasse.

Puis la réalité s'est imposée. Le tournage devait avoir lieu au point culminant de la saison de Formule 1, et Hamilton savait qu'il ne pouvait pas envisager d'arriver sur le plateau sans s'être préparé jusqu'au dernier détail. "Je suis un perfectionniste", dit-il. Il n'avait tout simplement pas le temps. À contrecœur, il a contacté Cruise et Kosinski, "l'appel le plus bouleversant que je pense avoir jamais eu", pour leur faire savoir qu'il ne serait pas disponible.

Lewis Hamilton répondant aux questions des journalistes au Grand Prix de Hongrie 2022

Grand Prix de Hongrie 2022 © Jiri Krenek

Le traumatisme de l'après Abu Dhabi 2021

Certainement le moment le plus difficile de sa carrière, après une course parfaite et sans conteste, le titre lui échappe sur une décision très discutable du directeur de course. "Je ne sais pas si je peux vraiment mettre des mots sur le sentiment que j'ai eu", explique-t-il. "Je me souviens juste d'être assis là, incrédule. Et avoir réalisé que je devais défaire mon harnais, que je devais sortir de là, que je devais grimper sur ma voiture, que je devais trouver la force. Je n'avais aucune force. Et c'était l'un des moments les plus difficiles, je dirais, que j'ai eu depuis très, très longtemps".

"Je savais ce qui s'était passé. Je savais quelles décisions avaient été prises et pourquoi. Oui, je savais que quelque chose n'allait pas." Quand il est sorti de la voiture, son père était là, debout. La bulle de concentration avant les courses est telle qu'Hamilton ne se souvenait même plus si son père était présent à Abu Dhabi.

"Il m'a pris dans ses bras et je crois qu'il m'a dit : "Je veux que tu saches à quel point je suis fier de toi". Avoir votre père qui vous embrasse de cette façon est l'une des choses les plus profondes que j'ai jamais..." Hamilton s'interrompt. "D'autant plus quand tu n'as pas souvent eu ça en grandissant."

Il aurait été compréhensible et attendu, que lorsque Hamilton sorte de sa voiture il soit si furieux, criant à l'injustice. "Genre, personne n'aurait été surpris s'il avait enlevé son casque et l'avait jeté", raconte Hobson (Mellody Hobson -femme de George Lucas- et amie de longue date de Lewis Hamilton). "Ou s'il avait jeté son volant."

Mais ce n'est pas ce qu'Hamilton a fait. Comme le fait remarquer son ami Tom Brady, qui se tenait devant sa télévision pour assister à ce qu'il appelle "la fin la plus folle de toutes les fins de course", "il s'en est sorti avec autant de grâce qu'on pouvait l'imaginer." Il n'y aura pas de défoulement public d'aucune sorte. Au lieu de cela, Hamilton s'est dirigé vers le vainqueur déclaré, Verstappen, lui a serré la main et l'a félicité. En regardant cela, George Lucas s'est penché vers sa femme et a dit : "Les héros sont plus grands que les champions. Lewis vient de gagner le statut de héros."

Hamilton est resté publiquement silencieux pendant plusieurs semaines après Abu Dhabi, et les spéculations allaient bon train sur le fait qu'il en avait fini avec la course, qu'il allait s'en aller. "Je me suis certainement demandé si je voulais continuer", confirme-t-il. Puis son amie Mellody Hobson lui conseilla de ne prendre aucune décision dans ces moments de doute et de peine et que l'on prenait toujours les mauvaises décisions. La suite de l'histoire est désormais connue...