« Nous ne resterons en Formule 1 que si nous y avons une équipe compétitive », a déclaré le PDG de Red Bull Dietrich Mateschitz peu avant le début de week-end chinois à l’Agence de Presse autrichienne.

De quoi faire trembler le monde de la F1, lui qui ne prend que rarement la parole. Aucune réaction de la part des acteurs de la F1, ni même Bernie Ecclestone, à croire que la menace ne prend plus. Chez le « fan », la réaction est simple : « qu’ils s’en aillent » peut-on lire avec plus ou moins de poésie. Mais, tous ont-ils la notion de l’investissement fait par le « vendeur de canettes » au cours de son séjour en F1 ? Faisons un retour en arrière.

Les premiers pas de Red Bull en F1

La première fois que la F1 découvre Red Bull, c’est en 1995, soit il y a 20 ans. A l’époque, Red Bull est le sponsor-titre de la jeune écurie Sauber. En mauvaise posture suite au départ de Mercedes pour McLaren, l’équipe suisse fait face à des problèmes financiers. Dietrich Mateschitz accepte de sponsoriser l’équipe pour un peu moins de 10 millions d’euros. Il prend, par la même occasion, la majorité des parts de l’entité. C’est le début d’une longue relation entre la boisson énergisante et la Suisse.
Une relation qui va s’étendre jusqu’en 2004, malgré un bref retrait dès 2001 suite à un désaccord avec Peter Sauber sur le choix des pilotes, année où Dietrich Mateschitz vendra ses parts du capital de Sauber.

Mais Red Bull n’a pas investi uniquement en Suisse. Elle a aussi investi dans d’autres équipes, suite aux placements de ses jeunes pilotes.
Ainsi, on a pu voir Red Bull sur les Arrows par exemple, en 2001 et 2002. Le sponsoring, à hauteur de 13 millions d’euro, se fait en échange du placement d’Enrique Bernoldi. Après avoir vendu les parts de Sauber, l’idée de Dietrich Mateschitz est de racheter les parts de Morgan Grenfell (50% du capital) dans l’équipe de Tom Walkinshaw.

Red Bull veut racheter une équipe

Il obtient ainsi une option exclusive en cas de vente. En mai 2002, Arrows est aux abois. Le patron de l’équipe voit en Red Bull un potentiel acheteur. Mateschitz accepte de racheter les voitures, la propriété intellectuelle de leur utilisation et le droit d’engagement, le tout pour 22 millions d’euros, avec liquidation des créances extérieures d’un montant de 23 millions d’euros.
Il injecte aussi un peu moins de 8 millions d’euros en cash pour maintenir l’équipe opérationnelle. Mais Morgan Grenfell refuse la proposition de l’Autrichien. Il doute des moyens financiers de la marque pour mener à bien la transaction (et d’autres faits entre Walkinshaw lui-même et Morgan Grenfell).

En 2004, Red Bull place le jeune Christian Klien chez Jaguar, équipe appartenant à Ford. L’équipe, anciennement Stewart, n’est pas au mieux de sa forme au niveau des performances.
Il est loin le temps de la victoire (acquise par Stewart) et de la 4e place du championnat. L’équipe n’accroche que pour meilleur résultat une 7e place au championnat des constructeurs. C'est bien médiocre vu l’investissement de la marque de Détroit (estimé à 70 millions d’euros par saison).

Si bien que l’équipe est mise en vente au cours de l’été tout comme le motoriste Cosworth (ce dernier sera racheté par le duo Gerald Forsythe/Kevin Kalkhoven). Si Red Bull est en négociation directe avec Tony Purnell, directeur de l’équipe, Mark Gallagher, responsable des accords avec les sponsors, est en Chine à la recherche d’investisseurs. Comme il le raconte dans son livre « The Business of Winning », Ford voulait au départ vendre Jaguar à une entité chinoise.
L’idée de créer Ford Team China surgit mais sera très rapidement avortée. Purnell a signé un accord avec Mateschitz. L’accord prévoit une vente pour l’euro symbolique en échange d’un investissement de 310 millions d’euros sur les 3 prochaines années. Cette vente a empêché à Ford de dépenser 22 millions d’euros d’indemnités de licenciement mais aussi les frais de cessation des activités de l’usine estimés à 350 millions d’euros.

Une nouvelle équipe Red Bull est née !

Ainsi Red Bull Racing est née. L’investissement est alors important. Cela ne se verra pas lors de la première année puisque l’équipe dépensera quasiment la même somme qu’en 2004 (environ 115 millions d’euros selon F1Racing). En 2006, les dépenses augmentent de plus de 70%, dont une bonne partie dans la case « recherche et développement ». C’est cette même année qu’une figure importante de la F1 rejoint la jeune équipe : Adrian Newey (et son salaire critiqué de 8,7 millions d’euros).

Mais l’ascension de la marque ne s’arrête pas là. En 2005, Mateschitz rachète Minardi, 4e plus ancienne équipe du plateau. Il vend 50% des parts à Gerhard Berger. A ce moment précis, l’équipe ne survivait qu’avec 20 millions d’euros de recettes et accumulait 24,5 millions d’euros de dettes avant impôts.

Les investissements initiaux étant faits, il faut maintenant du résultat ! Et ces derniers tardent à venir. L’équipe mère fait un podium par saison et truste la deuxième moitié du classement. Mais la première victoire d’une équipe badgée Red Bull sera offerte par la petite sœur, Toro Rosso, en Italie 2008. A son volant, Sebastian Vettel, l’homme qui trônera au sommet de la F1 durant 4 saisons.

Un investissement colossal

Aussi, en 10 années d’activité, Red Bull a dépensé plus de 1,2 milliards d’euros dans ses équipes de F1 (via le Red Bull Technology qui prend en charge le salaire des pilotes et la recherche et développement). Red Bull a dépensé depuis son arrivée en F1, il y a 20 ans, plus de 1,5 milliards d’euros.
Certes, ce n’est qu’une somme, mais si on décortique l’historique, Red Bull a sauvé une équipe qui a été vendue à un constructeur allemand avant de revenir à son propriétaire initial. La marque a tenté de sauver une équipe aux abois avant qu’une banque d’investissements refuse le marché. Aussi Mateschitz a dû racheter une équipe à un constructeur en difficulté et ainsi éviter le licenciement du personnel.

Enfin, Red Bull est en F1 pour l’exposition de sa marque, comme peut l’être Ferrari ou Mercedes. Mais Dietrich Mateschitz le rappelle si bien : « Nous ne sommes pas un constructeur automobile, nous ne pouvons justifier notre investissement sur notre simple présence en F1 », ce qui justifie aussi cette communication envahissante mais significative.