Le Dakar 2023 se déroule en Arabie saoudite pour la quatrième année et a entamé le troisième chapitre de son histoire après l'Afrique et l'Amérique du Sud. L'épreuve a-t-elle perdu son charme, son ADN et l'intérêt des fans ?

Le Dakar fait une pause aujourd'hui après les 8 premières spéciales disputées depuis le 1er janvier (et le Prologue au 31 décembre dernier). Après plus de 3 000 km de spéciales chronométrées, tous les concurrents sont au repos ce lundi 9 janvier avant d'entamer la deuxième semaine et les 6 étapes restantes.

Le Dakar a-t-il perdu son âme et ses fans ?

S'il y a bien une compétition automobile pour laquelle on entend chaque année le même refrain "c'était mieux avant", c'est bien le Dakar qui l'illustre le mieux ! On entend à peu près tout sur les réseaux sociaux de la part de ces fans qui attendaient avec impatience le départ de cette épreuve mythique.

Et en début de chaque année, s'ouvre la saison des "Ah, le Dakar ne va plus à Dakar ?", "Ce n'est plus une course, mais une balade avec un GPS...", "Tu parles d'aventuriers...", "A l'époque, on traversait des villages, il n'y avait pas toutes ces règles...". Et oui, il y a un règlement, et il faut le respecter et pour certains c'est encore dur à intégrer !

On ignore encore si certains sont bloqués dans leur imaginaire de la conquête des contrées lointaines et inconnues (l'Afrique offrait cette "découverte"...), mais les remarques furent assez violentes quand le Dakar a déménagé en Arabie saoudite. Un pays sans doute tout aussi méconnu par ces mêmes personnes, que le continent africain lorsque l'épreuve y posait pour la première fois son bivouac. Entre nostalgie et logique, certains se perdent dans leurs doléances.

Alors, est-ce que l'épreuve du Dakar a perdu son âme, son ADN ? Est-ce que ce rallye-raid est moins compétitif, moins attrayant ? Est-ce que les fans boudent cette compétition au point qu'elle est devenue sans intérêt ? On va y répondre...

Sébastien Loeb lors de l'étape 4 du Dakar 2023

© A.S.O.-G.-Soldano / 201 LOEB Sebastien (fra), LURQUIN Fabian (bel), Bahrain Raid Extreme, BRX, Prodrive Hunter

Le Dakar a perdu son âme ?

Si Thierry Sabine concrétise un rêve et sa vision de grande aventure avec son rallye dans le désert en s'élançant depuis Paris (pour capter toute l'attention des médias) et faire ce long parcours jusqu'à Alger, traversant Agadez pour se terminer à Dakar, nul doute qu'il aurait aussi opéré des changements dans son épreuve phare au cours des décennies. Ce terrible 14 janvier 1986 nous enlèvera le papa du Paris-Dakar...

Depuis les premiers aventuriers, ces amateurs, les malles-motos et les équipages des voitures et camions avec assistances légères, à un intérêt grandissant en nombre de participants et quelques pilotes de renom (comme certains constructeurs qui s'y investiront grandement), le "Paris-Dakar" a gagné ses lettres de noblesse au fil des éditions.

D'un Rallye-Raid presque humanitaire sur fond d'une compétition des pionniers aventuriers, le Rallye Dakar s'est professionnalisé au cours des années et est devenu un incontournable en moins de temps que d'autres grandes compétitions internationales (les 24 Heures du Mans et la F1 étaient déjà largement plus populaires mais ont également une histoire bien plus longue).

Et le nombre grandissants d'engagés au fil des années, prouve que ce Rallye-Raid a su traverser les générations, a réussi le pari de se renouveler, a surmonté les crises, et a désormais un cap sur le futur avec des énergies alternatives (hydrogène, électrique...).

Une course qui affiche chaque année une liste d'engagés que beaucoup de disciplines envient, c'est quelque part un gage de réussite. Et le fait que beaucoup de pilotes veuillent s'y engager pour connaître cette aventure (malgré un règlement technique et sportif bien différent d'il y a 20 / 30 ans) est une preuve que l'héritage de Thierry Sabine est bien intact.

Quand certains s'insurgent d'une navigation devenue trop facile (elle ne l'est vraiment pas...) avec les roadbooks électroniques, ou d'un règlement qui fait du zèle (interrompre ou raccourcir une étape quand il pleut), rappelons qu'en 1983 le Paris-Dakar avait perdu pas loin de 40 concurrents dans la tempête du désert du Ténéré, et que certains furent retrouvés 72 heures plus tard. Proprement impensable aujourd'hui, personne ne jouerait à cette roulette russe.

Entendre que le Dakar a perdu son âme, c'est quand même dénigrer le travail fait par les organisateurs qui ont réussi à prolonger l'héritage de cette course ancrée dans le cœur de nombreux passionnés.

Giniel de Villiers lors de l'étape 6 du Dakar 2023

© A.S.O.-C.-Lopez / 205 DE VILLIERS Giniel (zaf), MURPHY Dennis (zaf), Toyota Gazoo Racing, Toyota Hilux

Ce Rallye-Raid est-il moins compétitif, moins attrayant ?

Il n'aura échappé à personne que le progrès est le mieux de l'homme ! Comment une phrase "c'était mieux avant" (synonyme de nostalgie) peut avoir du sens et générer un sentiment si la compétition n'évolue jamais ? Regarder une même course figée dans le marbre pendant 10, 20, 30 ans, reviendrait à prendre la quasi intégralité de ses fans. Fort heureusement, ça n'existe pas ! Et au-delà de son audience, les pilotes et les constructeurs auraient aussi déserté (de circonstance, pour le coup) la course.

Tous les acteurs en sport automobile viennent pour y relever des défis. Et depuis que le Paris-Dakar existe, les défis ont été nombreux. Ceux qui étaient déjà heureux d'y participer, ceux qui sont parvenus à rallier l'arrivée. Certains autres qui se sont hissés assez haut dans la hiérarchie, ont remporté une étape ou encore la victoire au général. Et pour les concurrents défaits, un autre défi s'annonçait : celui de faire mieux les années suivantes. Il en va de même pour les constructeurs, qui veulent perfectionner leurs modèles, les modifiant et les améliorant pour prouver qu'ils peuvent aussi être les meilleurs.

Est-ce que le Dakar est moins attrayant ? Prenons les chiffres des engagés : 820 concurrents en 2023 (634 pilotes et copilotes Dakar / 188 pilotes et copilotes Dakar Classic), 27 d'entre eux sont dans la catégorie Original by Motul (les malles-motos).

Il y a 68 nationalités représentées (le Top 3 par pays étant : France - 194, Espagne - 119, Pays-Bas - 90), 54 femmes en course dont 5 équipages 100% féminins. Un total de 455 véhicules (125 motos, 19 quads, 73 autos, 56 camions, 47 protos T3 et 46 T4, 76 autos Dakar Classic et 13 camions Dakar Classic), la course est loin de s'essouffler comme certains le pensent.

Quant à l'aspect compétition, il est toujours présent et c'est une aventure humaine incroyable. On ne peut pas vous relater ici en quelques lignes toutes les histoires, les destins et les chemins parcourus de certains pour être présents au Dakar, mais on vous conseille de jeter un œil sur les articles Dakar Heroes sur le site officiel.

Vous pourrez comprendre les conditions extrêmes dans lesquelles certains pilotes (souvent les motards et concurrents en solo) doivent braver les éléments. La journée entre les dunes, le soir au bivouac sous une simple tente, le Dakar sait parfois vous ramener les pieds sur terre dans une atmosphère de solitude pesante.

Le bivouac du Prologue au Dakar 2023

© A.S.O.-E.-Vargiolu-DPPI / Bivouac aerien Mer Rouge during the Dakar 2023 - Prologue

Les fans boudent-ils la compétition, chute des audiences ?

Pour ce qui est de la diffusion du Dakar à la TV, on ne va pas se le cacher, c'est vrai que c'est compliqué. Amaury Sport Organisation (A.S.O.) en détient les droits, tout comme le Tour de France. Et c'est d'ailleurs un package qui est vendu à France Télévisions (qui veut plus que tout garder la grande boucle) et qui doit également diffuser le Dakar. On est loin de la grande époque où Gérard Holtz nous animait l'émission Bivouac qui durait quasiment une heure, on doit se contenter de courts résumés (10-15 minutes) diffusés aux horaires qui arrangent la chaîne (très tard le soir).

Mais au niveau de l'intérêt que porte le public à la course, les chiffres de diffusion dans les médias sont très bons (voire excellents). Le bilan de la course de 2022 se traduit par 3 000 heures de diffusion TV, 190 pays qui relaient les images du Dakar via 70 chaînes. C'est 15 heures de programmes quotidiens envoyés depuis le bivouac, 135 médias (600 personnes accrédités) de 34 nationalités différentes.

Le site officiel du Dakar enregistre 11,6 millions de visites (+13% par rapport à 2021) et 410 000 visiteurs uniques, 198 millions de vidéos vues sur les plateformes. Une communauté de 5,6 millions de fans sur les réseaux sociaux (toutes plateformes confondues).

Si l'on compare avec les comptes officiels sur Twitter, la F1 en compte 9 millions, le MotoGP 3 millions, ensuite les championnats mondiaux de la FIA sont en net retrait par rapport au Dakar. Le compte WEC totalise 370 000 fans, celui des 24 Heures du Mans 420 000, le WRC 400 000 et la Formule E 300 000 ! Le Dakar a dépassé les 525 000 followers... pour une épreuve qui dure 15 jours !

Loeb et De VIlliers lors de l'étape 8 du Dakar 2023

© Eric-Vargiolu-DPPI / 201 LOEB Sebastien (fra), LURQUIN Fabian (bel), Bahrain Raid Extreme, BRX, Prodrive Hunter, Auto, FIA W2RC, 205 DE VILLIERS Giniel (zaf), MURPHY Dennis (zaf), Toyota Gazoo Racing, Toyota Hilux

Le Dakar, un défi sportif et humain !

En conclusion, le Dakar reste une épreuve mythique que chaque pilote aime à se lancer comme un vrai défi sportif et humain. La compétition reste très sélective, très technique, endurante et dispose de ses propres codes.

Ce n'est pas une course de vitesse, ce n'est pas un rallye, ni même de l'Endurance pure... c'est un savant mélange de toutes ces aptitudes à acquérir, et il est assez compliqué de s'y imposer en tant que débutant. Le Dakar reste une compétition très prisée, se déroulant au tout début du mois de janvier où la quasi totalité des disciplines internationales sont en pause hivernale et l'épreuve fait office depuis 2021 de manche d'ouverture du Championnat du Monde de Rallye-Raid.