Pour parler des femmes dans le sport automobile, rien de mieux que de demander aux intéressées de s’exprimer.

En collaboration avec Formula Rapida, nous avons réuni trois de nos rédactrices et actrices du sport automobile lors d’une conférence sur ce sujet. Ainsi, Nina Rochette, rédactrice sur Formula Rapida ; Dorothée Julien, rédactrice sur France Racing et Chloé Hamon, également rédactrice pour France Racing, se sont exprimées sur divers sujets.

Première partie à découvrir en cliquant ici 

Deuxième partie à découvrir en cliquant ici

Parlons des pilotes. Nous avons eu des pilotes qui sont arrivées à des postes clés au sein des équipes, à savoir Susie Wolff et Simona de Silvestro. En formule de promotions, nous avons Tatiana Calderon en GP3 ou Beistke Visser en Formula V8 ainsi que d’autres pilotes. Aujourd’hui, on voit de plus en plus de femmes se battre contre des hommes en sport automobile.

Pourtant, Bernie Ecclestone avait eu l’idée de mettre en place un championnat 100% féminin. Cette idée a été beaucoup décriée. Pensez-vous que le meilleur moyen pour qu’une femme puisse se montrer, c’est qu’elle soit mélangée aux hommes, même si ces performances ne sont pas celles espérées ?

(Nina) Je suis tout fait d’accord avec le point de vue de Tatiana Calderon quand elle dit que c’est une idée stupide de vouloir séparer les femmes et les hommes. On est dans un sport mécanique où il y a à la fois une histoire de pilotage mais aussi de voiture. Même si le pourcentage est faux, on dit que c’est 50/50. Selon moi, la grande majorité des femmes ne veulent pas se battre entre elles. Lorsque j’ai parlé avec Tatiana Calderon, elle se fichait de battre le record de points d’Alice Powell en GP3. Son but était de battre, à son niveau, contre les garçons qui sont dans sa catégorie. Même chose pour Beitske Visser qui est concentrée sur sa saison de Formula V8 et elle n’a peut-être pas envie d’être juste avec des filles.

Pour moi, je trouve l’idée absurde de séparer les femmes et les hommes. Faire une F1 de femmes, c’est abruti ! C’est une idée qui aura une médiatisation moindre ; qui ne pourra jamais égaler les budgets de la F1. Ce sera les reléguer à une sous-F1 qui sera l’équivalent au mieux de la F3.
Si les filles avaient d’un point de vue sponsor la même possibilité que les hommes, on ferait déjà un grand pas en avant.

(Dorothée) En soi, son idée de F1 femmes, c’est complètement idiot ! Mais ce qui n’est pas idiot, c’est de mettre en avant les femmes dans le sport automobile. Je m’explique : ce ne serait pas idiot de faire un Grand Prix spécial femmes en marge de certains Grands Prix au même titre qu’on met des jeunes pilotes en avant avec le GP2 ou le GP3. Ce ne serait pas pour séparer les femmes mais plus pour les montrer. J’y voyais plus une discrimination positive dans cette idée. Le principe d’une F1 féminine n’est pas viable sur le long terme mais ponctuellement, ça peut marcher, surtout si la médiatisation est moindre.
Une fois casquée, une femme est un pilote comme un autre.

(Chloé) Je suis d’accord avec ce qui a été dit. Pour que la femme puisse exister en sport automobile, il faut qu’elle se confronte aux hommes et qu’il n’y ait pas de différence. Il y a forcément des critiques si la F1 féminine se fait parce qu’elles sont entre elles. Là, les femmes sont pointées du doigt mais pour de bonnes raisons.

Au début des années 2000, en Amérique, on a vu de nombreuses femmes. Danica Patrick, Sarah Fisher, Pippa Mann, Simona de Silvestro… Doit-on se dire que le sport dit européen n’a pas une idée arrêtée sur le sport automobile ?

(Nina) je suis assez d’accord. Simona de Silvestro a couru en IndyCar et elle disait que c’était plus facile pour elle de trouver des sponsors pour la série américaine que pour la Formule E.

Pourtant, le budget n’est pas le même ?

(Nina) Ils ne sont pas les mêmes. Elle avait juste beaucoup moins de barrières aux Etats-Unis. Danica Patrick a été la seule femme à gagner en IndyCar. Il y a moins d’a priori sur les femmes aux Etats-Unis qu’il y en a en Europe où on reste accroché à une idée très masculine du sport. Après, les américains ont une approche du sport automobile qui est très différente. Il n’y a pas un culte de la personnalité ou du pilote il me semble. Ils sont là pour voir du spectacle et les voitures. Cela joue avec l’approche différente entre les Etats-Unis et l’Europe.

(Chloé) La mentalité en Europe est en retard vis-à-vis des femmes et de ce fait, c’est normal pour une femme d’être pilote en sport automobile.

Parlons de l’endurance par exemple. On a eu Natacha Gachnang en ELMS, Ines Tattinger et Christina Nielsen cette année aux 24 Heures du Mans. Prenons l’exemple d’Ines Tattinger. A-t-elle la possibilité à l’avenir de viser une grande série comme le LMP1 ?

(Chloé) Les places en LMP1 sont rares. On voit que pour un homme, c’est difficile alors tant qu’une femme n’aura pas fait ses preuves, les choses n’évolueront pas, même s’il y a une histoire d’argent derrière ça.

Pourtant, on voit certains hommes en formule de promotions arriver au sommet du sport automobile grâce à l’argent et non le talent. N’est-ce pas paradoxal de demander à la femme des résultats et de l’argent alors que certains hommes arrivent en F1 par exemple juste avec l’argent ?

(Nina) C’est le sexisme de tous les jours. Une femme va devoir faire deux fois plus d’efforts qu’un homme.

(Chloé) Et en plus, le salaire sera différent !

(Nina) Je ne suis pas surprise puisque la vie normale fonctionne ainsi !

(Dorothée) Un concept que les hommes ont du mal à comprendre, c’est difficile pour une femme d’avoir une carrière et sans avoir à fournir trois fois plus d’effort. On devrait laisser aux femmes le droit d’être aussi mauvaises que les hommes avant de leur demander d’être aussi bonnes qu’eux.