Récemment, des incidents ont eu lieu entre certains médias et les acteurs de la F1. Pour satisfaire une audience, les porteurs d'informations ne vont-ils pas trop loin ?

Au Mexique, Max Verstappen a refusé toute interview avec Sky Sports. La raison ? Un commentaire de la part de Ted Kravitz. Le commentateur de la chaîne britannique de F1 est revenu sur les incidents du dernier Grand Prix de la saison 2021, à Abu Dhabi, évoquant le fait que Lewis Hamilton s'est fait "voler" son titre. Le Champion du Monde néerlandais explique que cet incident était celui de trop.

Ted Kravitz s'est également pris une réflexion de la part de Lando Norris. Le commentateur a critiqué le départ du pilote McLaren, qui lui a répondu par un "tu devrais essayer de piloter la voiture". Un autre moment gênant a eu lieu avec Mick Schumacher au sujet de sa qualification.

Depuis quelques années, accentuées l'année dernière par la passe d'armes entre Lewis Hamilton et Max Verstappen, les discussions autour de la discipline deviennent compliquées. Le hooliganisme constant provoque des frictions entre les fans, alimentées parfois par les médias eux-mêmes.

Une violence accentuée par les réseaux sociaux

Revenons sur l'incident de l'an passé, à Abu Dhabi, et sur un homme, Nicholas Latifi. Le pilote Williams provoque la sortie de la voiture de sécurité dans les derniers tours de la course par sa sortie de piste. Le pilote canadien a reçu de nombreuses menaces, comme cela a pu être le cas en 2008 par Timo Glock. Avec les réseaux sociaux, il n'y a plus de filtres. Les fans comme les acteurs de la F1 disent ce qu'ils pensent, sans en peser les conséquences.

"Les réseaux sociaux sont un endroit très toxique et si vous êtes constamment comme ça à la télévision, vous aggravez la situation, au lieu d’essayer de l’améliorer", expliquait Max Verstappen au Mexique. "C’est parce qu’ils sont assis devant leur bureau ou n’importe quoi d’autre à la maison, qu’ils sont contrariés, frustrés et qu’ils peuvent écrire ce qu’ils veulent parce que la plateforme le leur permet".

Sur les réseaux sociaux, un commentaire peut parfois amener un "bad buzz". Fernando Alonso en a fait les frais récemment lorsqu'il a déclaré que "c’est quand même différent quand vous gagnez sept titres mondiaux alors que vous n’avez eu à vous battre qu’avec votre coéquipier. Je pense qu’un championnat a moins de valeur que lorsque vous avez moins de titres mais que vous avez dû vous battre contre d’autres pilotes à matériel égal ou même supérieur". Le futur pilote Aston Martin a dû faire un message sur les réseaux sociaux pour désamorcer la situation.

Parfois, ce sont les médias qui attisent la haine. Il y a quelques jours, Matthew Syed, journaliste du Times, a sorti un édito expliquant, dans les premières lignes que "Lewis Hamilton a été volé", en parlant du titre 2021. Le journaliste britannique attaque par la même occasion Christian Horner, directeur de l'équipe Red Bull, en le qualifiant de "délirant", "sans grâce" et "perdant".

Il indique aussi, dans son papier, que "s'il y a des problèmes de santé mentale chez Red Bull à la suite de leur violation des règles, la responsabilité incombe à eux et à eux seuls - pas à ceux qui les ont critiqués". cela a provoqué la réaction de la femme d'Adrian Newey sur les réseaux sociaux, allant jusqu'à dire que "provoquer les fans avec un journalisme toxique ajoute cela au problème."

Une montagne de petits problèmes

Pour certains, comme Mika Häkkinen, le scandale autour du budget plafonné a provoqué une mauvaise publicité à l'équipe Red Bull, une mauvaise publicité à laquelle ne voudront pas se risquer d'autres directeurs d'équipes. D'autres, comme Jacques Villeneuve, pense que le dépassement budgétaire de Red Bull, qu'on pourrait qualifier de "Cashgate", n'est pas une triche, comparée à la Benetton de 1994 par exemple, comme le souligne le Champion du Monde 1997 de F1.

"Je doute que le dépassement du plafond ait eu la moindre incidence sur les résultats de cette année. Red Bull est tellement forte qu’elle aurait gagné de toute façon", ajoute-t-il.

Il existe un problème, celui lié à ceux de la F1, c'est le ressenti des fans. Le fanatisme pour un pilote provoque une réponse différente en fonction de l'information qu'il lit, qu'elle soit positive ou négative. Et on se retrouve sur une avalanche de réactions quand les faits s'accumulent, comme cela a pu être le cas l'an passé entre Lewis Hamilton et Max Verstappen.

Lewis Hamilton et Max Verstappen lors du Grand Prix du Bresil 2021

© LAT Images

Emile Durkheim, sociologue français, expliquait dans ses ouvrages (De la division du travail (1893) et Le suicide (1897)) la notion de « désorganisation sociale » considérant la déviance comme marquant une rupture définitive de certains individus avec les habitudes et les règles habituelles de l’échange social.

On peut voir en cela une certaine anomie, qui est une désorganisation sociale résultant de l'absence de normes communes dans une société. Ce processus amplificateur vient renforcer l’impossibilité de participer à une action par des moyens licites et conduisant de fait certains individus à la "rébellion" ou à la "contestation".

On peut le constater notamment sur les réseaux sociaux, qui ressemble parfois à la Loi de la Jungle. Le modérateur de la page Facebook F1Feeds l'a remarqué en 2021.

"Les gens s'insultaient ! Il n'y avait aucune communication. Il y avait d'un côté le clan Hamilton et de l'autre le clan Verstappen. On se serait cru dans une bagarre de banlieue, mais à l'heure des  réseaux sociaux", explique-t-il, ajoutant qu'il a dû bloquer les commentaires sur certaines publications.

Aujourd'hui, le moindre problème, la moindre déclaration, le moindre fait devient une montagne de petits problèmes, que ce soit entre les acteurs de la F1, les médias ou encore les fans eux-mêmes.

Chacun sa responsabilité ?

Qu'on se le dise, chacun à son niveau est responsable de ce qu'on vit actuellement en F1. Rien ne peut être comparé avec ce qu'on vivait avant l'avènement des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter.

Aujourd'hui, l'information est omniprésente, les déclarations épluchées au moindre mot, les piques envers les uns et les autres plus faciles. Le fanatisme n'est en rien un problème tant qu'il est contrôlé. On peut comprendre qu'un média britannique ne soit pas en accord avec les évènements d'Abu Dhabi comme on peut comprendre qu'un média néerlandais en veuille à Lewis Hamilton pour l'incident de Silverstone.

Tout est une question de point de vue, voire même de patriotisme. Il est certain que l'objectivité ne peut pas avoir sa place dans une information, puisqu'elle est "le fruit d’un choix où la totale neutralité fait défaut", comme le rappelle l'INA.

Si l'objectivité et la neutralité n'arrivent pas à s'imposer dans un monde vivant que des informations voire des rumeurs, la subjectivité d'un regard doit être modérée, sans tomber dans un système binaire du "tout noir ou tout blanc".