À quoi pourrait ressembler la Formule 1 pour demain ou dans les années à venir ? Quelques semaines seulement après le rachat de l’ensemble des droits de diffusion télévisés de la discipline, par Liberty Media, cette question est sur les lèvres de tout investisseur, écurie, pilote et fan.

La fin de la présidence de Bernie Ecclestone, premier investisseur depuis 1970 est le symbole de l’entrée dans une nouvelle ère accompagnée de l’élaboration et de la réflexion autour de ce sport : nouveau calendrier, nouvelle réglementation… Mais aussi de l’arrivée de nouvelles personnalités dans l’optique de coordonner (toujours avec l’étroite collaboration de la Fédération Internationale de l’Automobile, la FIA) l’avenir de la Formule 1, en pleine période de pause hivernale.

Ross le Boss

Parmi elles, Ross Brawn. Si vous ne le connaissez pas, il n’est autre qu’un des ingénieurs et directeurs techniques d’écuries les plus émérites de ce début du XXème siècle. Le Britannique qui a quitté le monde de la course automobile depuis 2013, revient contre toute attente dès le début de la saison 2017. Seulement, il n’est désormais plus du même côté du muret. Auparavant ingénieur puis directeur technique et enfin Directeur Général de la plupart des Top Teams des années 1990 et 2000 (dont Ferrari, Championne du Monde des constructeurs de 1999 à 2004), Ross Brawn reviendra en tant que « Managing director of motorsports » (Directeur technique et sportif) de la F1.
Ce nouveau rôle lui a été attribué par Liberty Media, nouvel actionnaire principal depuis janvier 2017, accompagné de son président Chase Carey et  Sean Bratches (le nouveau directeur commercial de la F1).

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Dans un entretien publié le 26 janvier dernier et réalisé par ESPN, Maurice Hamilton s’est chargé d’éclaircir ce nouveau rôle en réalisant une interview du Britannique. Ses questions portent tant sur le rôle de Brawn au sein du nouvel actionnariat, que la vision actuelle de ce dernier sur la Formule 1. Ces questions et leurs réponses s’inscrivent dans différentes catégories.

La Formule 1 au futur antérieur

Dans un premier temps, l’attention est portée sur les nouvelles fonctions de Ross Brawn et le rôle de Liberty Media dans l’avenir de la Formule 1. Si le changement d’actionnaire paraît en premier lieu une surprise, Ross Brawn se veut rassurant en expliquant que le but de Liberty Media est de rendre la F1 plus attrayante tant pour les fans (qui veulent du contenu), que pour les écuries (qui veulent de la compétition) et pour les sponsors et diffuseurs.
Il insiste tout particulièrement sur l’importance d’une solide collaboration entre la FIA et les actionnaires (dont Liberty Media), l’une voulant garantir un sport toujours aussi sécurisé, et les autres leur faire-valoir dans l’organisation de la discipline. Selon Brawn « c’est lorsqu’il y a un désaccord que rien ne progresse ». Ainsi, sans exclure l’idée que des mésententes entre les organisateurs et les actionnaires subsistent, Ross Brawn affirme son optimisme quant à la prolongation d’une étroite collaboration avec la FIA et par la même occasion, avec son président Jean Todt (son ancien collègue chez Ferrari, que le Britannique connaît bien).

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L’entretien se tourne en outre vers la question de l’organisation de la Formule 1 d’ici les années à venir. Et notamment la réforme du calendrier, qui soulève une interrogation : celle de la sauvegarde des « classiques », les fameuses courses incontournables comme le Grand Prix d'Italie à Monza ou le Grand-prix de France (qui revient en 2018).
Là encore, Ross Brawn explique que Liberty Media se soucie de la tenue de ces événements et compte œuvrer afin de les conserver au calendrier. Le tout en introduisant de nouvelles courses organisées sur des week-end de grands prix plus développés qu’auparavant (Brawn évoque notamment l’organisation de concerts, à la manière de celui de Taylor Swift à Austin, en parallèle des essais et de la course).

La Formule 1 XXL

Ainsi, cette réforme du calendrier pose un autre problème : l’augmentation du nombre de courses, déjà conséquent (la saison 2016 avec 21 manches était l’une des plus chargées de l’histoire de la F1). En effet, l’idée d’un calendrier comprenant 25 courses a été soulevée à maintes reprises, et Maurice Hamilton n’a pas pu s’empêcher de l’exposer à Ross Brawn lors de l’entretien.
Ce dernier déclare être ouvert sur la question, mais seulement à condition de « ne pas favoriser la quantité au détriment de la qualité ». La question doit-être selon lui, débattue avec les écuries dont le travail est décuplé si le nombre de courses venait à être modifié. Il faut donc trouver un compromis entre les actionnaires comme Liberty Media qui veulent développer la F1, et les écuries, qui veulent pouvoir rester compétitives (donc conserver des conditions de travail tenables).

Mais l’interview réalisée par ESPN n’exclue en aucun cas toutes les interrogations portant sur le sport en lui même, et entre-autre, les monoplaces. À la question de savoir si un changement sera opéré sur les moteurs actuels (les V6 Turbo largement décriés depuis leur introduction en 2014 à cause de leur bruit peu conventionnel), Brawn déclare refuser un quelconque retour en arrière (bye bye V8 et compagnie).
En revanche, ce dernier explique ne pas vouloir totalement transformer la technologie des voitures. Il fait référence à la crainte de nombreux fans de voir les monoplaces se transformer en véritables voitures électriques : « ce n’est pas ce que nous voulons ». Malgré tout, Ross Brawn explique cette tendance du monde de la Formule 1 à faire évoluer rapidement la technologie des monoplaces par la présence des manufacturiers (comme Renault et Mercedes) qui utilisent la compétition comme « terrain de tests ».

Des lendemains qui chantent

Si dans un aspect pratique, les dépenses en recherches et développement permettent l’introduction de  nouvelles technologies par les manufacturiers, cette tendance à « payer plus pour aller plus vite » ne plaît pas à Brawn. Il évoque l’idée de mettre en place des budgets plafonds, afin d’empêcher les plus grosses écuries d’injecter autant de fonds possibles pour être compétitives. À l’inverse les écuries disposant de moins de moyens financiers doivent pouvoir compter sur elles-mêmes et non pas l’apport d’aides extérieures, notamment la FIA, ou même les « pilotes payants ».
Ce système est actuellement à l’origine d’une controverse, l’argent de ces pilotes l’emportant sur le talent. Ross Brawn voudrait idéalement changer cette situation, en mettant en place un système qui valorise le talent et la mise en place d’écuries-mères, censées initier les jeunes talents afin de mieux les insérer par la suite dans des écuries plus prestigieuses.

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En résumé, pour garantir une F1 en bonne santé, Ross Brawn explique qu’il faut permettre à toute écurie d’être compétitive vis-à-vis des Top Teams sans les assister financièrement, et ce, afin d’éloigner cette idée que pour gagner, seules les dépenses en investissements constituent la solution miracle.
Pour terminer, Maurice Hamilton interpelle Ross Brawn sur ses attentes concernant l’année 2017. Ce dernier attend cette nouvelle saison avec impatience, qui selon lui sera très intéressante avec la nouvelle réglementation (nouvel aérodynamisme), car il trouve la réglementation actuellement trop stricte et pénalisante à son goût (à la question de savoir si les drapeaux bleus contribuent ou non au spectacle, il répond que les supprimer pourrait être bénéfique).

La Formule 1 2.0

Cet entretien permet de rendre compte de la complexité du travail auquel va devoir se confronter Liberty Media afin de rendre la Formule 1 plus attrayante, juste et viable, tout en renforçant son intérêt auprès du grand public. Malgré tout, il offre aussi une belle perspective quant à la prise en main de ce sport par ce nouvel actionnaire, et permet d’affirmer que la discipline va prendre une nouvelle tournure au cours des prochaines années. Une page de la Formule 1 se tourne, mais une autre s’ouvre dès la saison 2017.

(Article rédigé par Nicolas Farmine, nouveau rédacteur France Racing).