La 93e édition des 24 Heures du Mans a consacré pour la première fois depuis 20 ans une voiture sous bannière privée : la Ferrari N°83 d'AF Corse s'est imposée devant une héroïque Porsche N°6. Inter Europol gagne en LMP2, tandis que Porsche a remporté la classe LMGT3 grâce à la N°92 de Manthey 1st Phorm.
A trois heures du terme, le quator en tête du classement général était regroupé en une quinzaine de secondes. Les trois Ferrari étaient comme à la parade, avec la N°83 d'AF Corse en tête, pendant que les deux officielles se battaient directement pour la deuxième place. Mais un quatrième larron était là pour mettre la pression aux chevaux cabrés : la Porsche N°6, qui s'est remise dans le match et qui collait à courte distance les Ferrari.
Le suspense était relativement faible en LMP2, avec une explication finale qui allait avoir lieu entre l'Inter Europol N°43 et la VDS Panis N°48. La Porsche N°92 de chez Manthey 1st Phorm déroulait tranquillement en tête du LMGT3, avec une minute d'avance sur la Ferrari N°21 du Vista AF Corse.
En tête de la course, la Ferrari N°51 était décalée en stratégie par rapport aux trois autres voitures qui allaient se disputer la victoire au général. Les Ferrari N°83 et 50 se sont arrêtées, de même que la Porsche N°6, qui a envoyé Matt Campbell au charbon.
James Calado a gagné son stand, en essayant de gagner du temps sur le temps passé en piste après l'arrêt de ses rivaux. Cette fin de course était à la fois peu palpitante et indécise, dans la mesure où les quatre machines de tête pouvaient encore changer de position à la régulière. Matt Campbell, sur cette Porsche N°6 à l'extraordinaire remontée, a opéré la jonction avec la Ferrari N°51.
L'Australien a bien préparé son attaque et a pris la 3e place au freinage de la chicane Michelin. Et la Ferrari N°50, 2e, n'était pas loin, juste avant les prochains arrêts au stand.
Porsche met la pression à Ferrari
L'AF Corse N°83, emmenée par Robert Kubica, comptait une quarantaine de secondes d'avance sur ses poursuivants et pouvait assurer durant les deux dernières heures. La Porsche N°6 a fait le choix de ne pas changer de pneus, contrairement à la Ferrari N°50, et est alors repartie virtuellement 2e.
Ce choix de garder les pneus a sans doute dû être calculé par l'écurie Porsche Penske, qui a gagné de ce fait 30 secondes sur la Ferrari N°83. La N°51, décalée en stratégie, occupait provisoirement la tête à 1 h 55 de l'arrivée, avant de s'arrêter à son tour.
Matt Campbell a demandé à sa Porsche N°6 de lâcher tous les chevaux et de tenir : l'Australien réduisait petit à petit l'écart avec Robert Kubica, loin devant la N°50, qui a changé de pneus.
Du côté de BMW, c'était la soupe à la grimace : les deux M V8 Hybrid N°15 et N°20 ont été rangées au garage pour des soucis techniques. Ce qui a notamment permis à l'Alpine N°35 de Ferdinand Habsburg d'intégrer le Top 10 du classement général.
Robert Kubica a décidé que le suspense avait duré assez longtemps. Il a d'office collé une seconde à Matt Campbell, qui tentait tout de même de s'accrocher au rythme infernal de la N°83.
En LMP2, la bagarre se faisait de plus en plus proche entre Inter Europol et VDS Panis, qui n'étaient plus séparés que par cinq petites secondes. Esteban Masson revenait comme une balle sur Nick Yelloly et cette fin de course allait peut-être enfin proposer de l'enjeu. Un tel scenario aurait été le bienvenu en LMGT3, où la Porsche N°92 comptait un tour d'avance à la régulière sur la Ferrari N°21.
Les deux BMW LMDh ont été renvoyées en piste, avec des chances de points totalement hypothéquées à la régulière. L'Alpine N°36, pilotée par Mick Schumacher, a tenté de chiper la 11e place à la Peugeot N°94 à la chicane Michelin. Mais l'Allemand s'est raté au freinage et Stoffel Vandoorne a pu repasser. Schumacher a trouvé l'ouverture le tour suivant.
Le trio de tête du général est repassé par les stands, dans ce qui était toujours une lutte à distance. Kévin Estre a pris le volant pour le dernier relais de la Porsche N°6. Celle-ci était poursuivie par les deux Ferrari officielles, qui s'apprêtaient à se bagarrer pour la 3e place.
Le suspense a tourné court en LMP2, puisque Nick Yelloly a appuyé sur le champignon avec l'Inter Europol N°43. Esteban Masson ne suivait plus le rythme et voyait l'écart grimper à dix secondes à l'entame de la dernière heure.
A 14 h 56, la McLaren N°59 de United Autosport était à l'arrêt à Maison blanche, laissant tout le monde en alerte : le full course yellow a été déployé à 14 h 58, juste avant le sprint final.
Porsche a essayé, Ferrari était trop fort
Kévin Estre avait désormais Antonio Fuoco et sa Ferrari N°50 sur le dos, à quelques minutes d'effectuer un tout dernier arrêt. Sur la Ferrari N°83, Robert Kubica a été rappelé assez tôt aux stands, à 40 minutes de l'arrivée.
Porsche a retrouvé les commandes de la course avec cet arrêt, avant de regagner les stands pour un dernier splash, toujours en compagnie de la Ferrari N°50. La N°51, elle, a pris les commandes grâce à son décalage stratégique. Robert Kubica est repassé devant Kévin Estre avec un écart réduit à neuf secondes simplement.
Un incroyable coup de théâtre a secoué la catégorie LMP2 : Inter Europol a été pénalisée d'un drive through pour vitesse excessive dans les stands. Ce qui signifiait que le VDS Panis Racing allait retrouver des chances de victoire, dans une course qui a retrouvé d'un coup tout son suspense.
D'une course presque soporifique, nous sommes passés à un final irrespirable, où chaque erreur allait se payer très cher. Comme celle de la Ferrari N°50, qui a fait un écart dans les virages Porsche.
Robert Kubica et Kévin Estre étaient espacés de onze secondes, en sachant que le leader polonais disposait d'un bien meilleur rythme que la Porsche 963 championne du monde.
L'écart était encore plus infime entre les deux leaders du LMP2 : l'Inter Europol a réussi à repasser devant la VDS Panis malgré cette pénalité, dans une manœuvre dingue aux esses du karting. La messe était dite.
La Ferrari AF Corse de Robert Kubica, Yifei Ye et Phil Hanson pouvait passer en mode gestion, face à un Kévin Estre époustouflant sur ces 24 Heures du Mans. Les deux Ferrari officielles se sont toutes deux battues pour la 3e place, avec la N°51 devant la N°50.
Cette Ferrari jaune devient le premier équipage privé (dans les termes officiels à tout le moins) à remporter les 24 Heures du Mans depuis l'Audi N°3 du team Champion (Lehto/Werner/Kristensen) en 2005, face aux Pescarolo. Yifei Ye devient le premier Chinois a remporter l'épreuve au classement général.
Une mention spéciale peut être donnée à Aston Martin, dont les deux Valkyrie ont vu l'arrivée sans jamais avoir de problème. La N°009 termine à une encourageante 13e place, tandis que que la N°007 a fini 15e.
Le clan français a été sauvé d'un bilan bien terne par l'Alpine N°35, qui finit 10e contre vents et marrées. La Peugeot N°94 termine juste derrière l'Alpine N°36, à la 12e place, et la N°93 n'était que 17e.
En LMP2, l'Inter Europol N°43 a parachevé son œuvre par une victoire autoritaire. La classe LMGT3 a consacré pour la 2e fois d'affilée une Porsche 911 : cette fois la N°92 du team Manthey 1st Phorm, qui a pu gérer tranquillement.