En 2022, Ferrari s'est fait remarquer par un certain nombre d'erreurs à priori évitables. Entre stratégies questionnables et arrêts aux stands bâclés, la Scuderia s'est attirée plus de quolibets que pour ses dérives passées.
Il faut dire que l'équipe voit sa série de saisons sans titre s'allonger au point de rivaliser avec la traversée du désert des années 80/90. Les dernières couronnes datent de 2007 (pilote) et 2008 (constructeur), soit quinze et quatorze ans. Ce qui sonne faux pour un team à la fois fortuné, expérimenté et disposant de moult éléments performants chacun dans leur domaine. Surtout quand à une certaine époque, Ferrari brillait justement pour sa maîtrise stratégique.
Ces erreurs de la Scuderia Ferrari
Cela étant, aucune équipe n'est infaillible. Et même durant sa période de gloire, Ferrari eut droit à ses couacs. Elle sut seulement les faire oublier avec ses succès futurs, voire même les rattraper au fil de la course. En voici quelques exemples durant des saisons marquées d'au moins un titre mondial.
Europe 1999 : La roue de l'infortune
Le Grand Prix d'Europe 1999 est une course remplie jusqu'à la moelle de rebondissements et d'événements marquants. Il est donc facile d'en zapper quelques uns en comparaison du tonneau de Pedro Diniz, des éliminations progressives des leaders ou du résultat tenant plus d'une partie sur console que d'un vrai résultat sportif.
Pourtant, c'est entre les averses passagères du Nürburgring que Eddie Irvine perdit en partie le titre mondial. Leader à égalité avec Mika Hakkinen avant d'arriver en Allemagne, l'Irlandais était parfaitement en mesure de prendre l'avantage au vu des circonstances. De son propre aveu « n'importe qui aurait pu gagner cette course ! ».
Sauf qu'au moment de faire son premier changement de pneus, la roue arrière droite se fit attendre plus que de raison, pour la plus grande stupéfaction des commentateurs. « Il manque une roue, incroyable ! » criera Pierre Van Vliet sur TF1.
Pas de mécano mal placé comme pour Sainz à Zandvoort ici. Le problème venait d'un arrêt inopiné du lieutenant d'Irvine, Mika Salo. Le Finlandais fit changer son aileron avant après une sortie, pile dans le timing prévu pour Irvine, et chaussa donc ses pneumatiques. Des pluie puisqu'une première averse avait frappé. Mais lorsque Eddie arriva à son tour aux puits, celle-ci avait cessé et tous les pneus secs qu'il avait demandé n'étaient pas prêts...
Irvine se retrouva dans le ventre mou du peloton et n'en sortit jamais. Il céda d'ailleurs face à la pression de son rival Hakkinen et finit à la porte des points, septième.
Malaisie 2001 : Dérapage contrôlé
Lorsque deux monoplaces de la même équipe arrivent aux stands en 2022, c'est généralement pour un arrêt programmé et calculé. La vitesse des changements de pneus aujourd'hui le permet sans que cela retarde le deuxième pilote en théorie. Cela se vérifie surtout sous Safety Car, avec le rythme réduit des monoplaces qui minimise au maximum la perte de temps de cet arrêt.
C'est ainsi que Ferrari a pu rattraper un des arrêts les plus longs jamais enregistrés par la réalisation télé en Malaisie 2001. Alors qu'un orage tropical venait d'arroser le circuit de Sepang, tous les pilotes se précipitèrent aux stands pour chausser les pneus adéquats. Les deux Ferrari firent de même, un petit écart séparant Rubens Barrichello de Michael Schumacher après tout. Sauf que Ferrari ne s'attendait pas à voir le brésilien devancer son chef de file.
Ross Brawn, convaincu que Schumacher était le premier à s'arrêter, fit chausser ses pneus sur la F2001 de Barrichello. Ce que remarqua le préposé à la roue avant droite, qui réinstalla le pneu initial ! Le temps que tout soit remis en ordre, une minute et douze secondes s'étaient écoulées avant que Schumacher puisse changer de gommes à son tour ! « Tout peut se produire en Formule 1 et c'est généralement le cas... mais je ne m'attendais pas à cela ! » dira le légendaire Murray Walker avec son phrasé bien à lui.
Un tel arrêt aurait dû les reléguer en dernière position en temps normal. Sauf qu'entre la neutralisation et une partie de la piste pratiquement noyée, les Ferrari sont parvenues à ne pas se faire prendre un tour. De justesse puisque Schumacher reprit la piste pile lorsque la Safety Car entamait un nouveau tour ! A quelques secondes près, il devenait retardataire, et sans possibilité de récupération comme aujourd'hui...
Le temps que les conditions deviennent acceptables, Barrichello et Schumacher avaient rejoint le paquet groupé derrière la voiture de sécurité, en dixième et onzième places. Pour mieux l'avaler en quelques tours seulement grâce à des pneus intermédiaires particulièrement adaptés à la piste séchante. Le doublé final de la Scuderia suscita des commentaires divers au vu de la facilité déconcertante de la F2001 à larguer ses adversaires sous la pluie. Notamment des suspicions d'antipatinage, pourtant pas encore autorisé à cet instant...
Melbourne 2003 : Après la pluie, le beau temps
Après une saison 2002 complètement écrasée par Ferrari à tous les niveaux, la FIA imposa plusieurs changements dans le règlement sportif afin de relancer l'intérêt de la discipline. Tour unique en qualifications, barème de points élargi, fin (officiellement...) des consignes d'équipe.. Bref, une volonté évidente de ne pas revoir des doublés Ferrari à chaque Grand Prix.
Les attentes furent dans un premier temps douchées avec une première ligne 100% rouge, ceci avec le modèle 2002 encore en piste ! Et le début de course semblait continuer sur cette lancée avec Schumacher et Barrichello prenant des poignées de secondes d'avance sur la concurrence. Mais ceci fut un feu de paille.
En effet la pluie, encore elle, avait arrosé l'Albert Park durant la nuit, mais avec une bonne partie du tracé plus ou moins sèche au moment de s'aligner sur la grille. Ainsi plusieurs pilotes partirent avec les pneus adaptés ou les chaussèrent dès le premier tour. Le futur vainqueur David Coulthard fut de ceux-là. Les Ferrari avaient elles opté pour les intermédiaires, toujours aussi efficaces dans ces conditions mixtes. Sauf que l'option s'avéra la bonne que pour quelques tours. Avec la piste rapidement sèche, les pilotes perdirent leur avantage aussi rapidement qu'ils l'avaient gagné.
Pour ne rien arranger, Barrichello sortit de piste, déconcentré par le nouveau système HANS de protection du cou. Et Schumacher vit son arrêt s'éterniser, heureusement pas autant qu'à Sepang. Mais suffisamment pour le reléguer derrière des pilotes déjà bien équipés, comme Montoya et Räikkönen, contre lequel Schumacher buta une bonne partie de la course. C'est en partie ici que Ferrari perdit la victoire, en plus des déflecteurs baladeurs de son pilote fétiche, conséquence de sa bataille avec le nouveau finlandais volant.
Ainsi se finissait une série de cinquante-trois courses consécutives sur le podium pour Ferrari, record encore d'actualité. La dernière occurrence ? Le Grand Prix d'Europe 1999...
Hongrie 2007 : L'essence des priorités
2007 marquait un tournant chez Ferrari puisque la dream team telle qu'on la connaissait avait déjà perdu quelques membres. Outre la retraite de Michael Schumacher, Ross Brawn (directeur technique) prit une année sabbatique et Rory Byrne (chef designer) du recul. Si Jean Todt était toujours maître à bord, les rumeurs de conflits avec le grand patron Luca Di Montezemolo étaient de plus en plus audibles.
Tout cela pour dire qu'en cette saison, quelques failles plus importantes commencèrent à se faire sentir chez Ferrari. La fameuse affaire d'espionnage impliquant le chef mécanicien Nigel Stepney en témoigna. Si McLaren fut évidemment sous le feu des projecteurs pour avoir bénéficié des fuites, le fait qu'un membre haut placé de Ferrari ait pu dérober et communiquer des données hautement confidentielles démontrait que les rouages habituellement bien huilés de la Scuderia commençaient à manquer de lubrifiant...
Chose amusante, c'est à Budapest que Ferrari fit preuve d'une incroyable négligence. Amusante oui, puisque ceci fut rapidement passé sous silence après que McLaren ait vu sa déjà fragile cohésion imploser à la vue de tous durant la dernière partie avec Alonso bloquant Hamilton aux stands... Une dernière partie à laquelle Felipe Massa ne participa pas. Panne mécanique, erreur de pilotage, timing mal maîtrisé pour le dernier tour ? Rien de tout cela.
Massa vit son équipe le relancer en piste sans avoir refait le plein d'essence ! Heureusement, l'équipe s'en rendit compte avant qu'il ne quitte les stands. Mais le temps de réparer leur erreur, Massa se retrouvait en pneus froids, le rendant incapable d'améliorer son chrono. Le Brésilien se qualifia ainsi quatorzième sur un circuit où il était encore fort compliqué de doubler. Il ne put jamais rattraper son retard en course et finit piètre treizième.
Une erreur si grossière que David Coulthard, avec humour, fit passer l'incident pour un acte volontaire de favoritisme envers son équipier Räikkönen en conférence de presse...
Japon 2007 : Vous avez un message...
Ce ne fut hélas pas la seule bêtise évitable en cette saison, quand bien même celle-ci se conclut par le dernier double titre mondial pour Ferrari. Sauf qu'au Grand Prix du Japon, la couronne côté pilote semblait leur échapper une fois de plus. Et apparemment, la faute en revenait... à un bug informatique.
En effet, Fuji fut noyé par les eaux ce dimanche, si bien que la FIA déclara les pneus pluie obligatoires. Une information qui arriva aux oreilles de tous les directeurs d'écurie... sauf Ferrari, qui reçut le mail contenant cette mention importante qu'après le début de course à les entendre ! Le problème, c'est qu'il suffisait de regarder la piste pour comprendre que les pneus pluie s'imposaient d'eux-mêmes, directive officielle ou non...
Par conséquent, Räikkönen et Massa durent changer de pneus très tôt dans la course et se retrouvèrent en fond de peloton. Heureusement pour eux, les conditions problématiques poussèrent la direction de course à neutraliser l'épreuve pour les dix-neuf premiers tours. Tout le temps de rattraper les derniers classés par conséquent. Räikkönen sauva ses chances de sacre avec une troisième place méritoire là où Massa proposa sa propre version de Dijon 1979 avec Robert Kubica, non sans moult raccourcis et autres hors-piste rendant la scène bien anachronique de nos jours !
Néanmoins, imaginez si Räikkönen avait manqué le titre mondial 2007. Outre ses pannes de Barcelone et du Nürburgring, on ironiserait certainement sur ce courrier électronique en retard en tant que cause principale de son insuccès...
Silverstone 2008 : Glissons sous la pluie
Le Grand Prix de Grande-Bretagne 2008 est généralement associé à l'une des plus belles courses de Lewis Hamilton, si ce n'est la plus belle. Dominateur sous l'averse comme rarement, il finit avec plus d'une minute d'avance sur son plus proche poursuivant. Tel Interlagos 2016 avec Max Verstappen, cette course fit rentrer le pilote encore relativement inexpérimenté dans une nouvelle dimension.
Ce qu'on tend à oublier, c'est que durant son premier relais, Hamilton n'avait guère creusé l'écart. Après s'être rapidement débarrassé de son équipier Heikki Kovalainen, Lewis vit progressivement la Ferrari de Räikkönen recoller à sa McLaren, Kimi enchaînant les meilleurs tours en course. A cet instant, la piste perdait petit à petit en humidité et il s'agissait de faire le bon choix pour le premier ravitaillement.
C'est ce qui fit perdre Ferrari. Là où Hamilton chaussa de nouvelles gommes intermédiaires, tablant sur une nouvelle averse, Räikkönen conserva ses gommes rodées, stratégie d'usage pour accompagner l'assèchement de la trajectoire.
Les prévisions de Météo France s'avérèrent inexactes, et Räikkönen finit par perdre cinq secondes au tour avec le retour de la pluie, attendant désespérément que son équipe le rappelle pour prendre des enveloppes neuves. A noter que son équipier Massa subit la même mésaventure, mais étant relégué en fond de classement après un tête-à-queue précoce, l'impact ne fut pas le même.
Räikkönen parvint à sauver la quatrième place, mais à un tour de Hamilton. Massa acheva son calvaire au dernier rang après pas moins de cinq tête-à-queue ! Stefano Domenicali – oui, le grand patron de la Formule 1 aujourd'hui – fit son mea culpa, admettant aussi bien l'erreur du non-changement de pneus que du rappel trop tardif de ses pilotes en difficulté. Comme quoi, ce n'est pas si compliqué Mattia...