Depuis quelques années, les sponsors se font de plus en plus rares sur les monoplaces. Comment expliquer cette décrue qui dure depuis quelques années déjà ? 

Les équipes 2017 ont toutes présentées leur monoplace ces derniers jours avant de les lancer sur la piste barcelonaise pour un premier run d'essais. Si les monoplaces ont opéré un changement, que les livrées ont reçu un coup de pep's, le manque de sponsors se fait voir sur les monoplaces. En moyenne, il y a 11,3 sponsors sur une monoplace. La plus "habillée'' reste la Force India avec 22 sponsors affichés suivie par la Ferrari (19 sponsors) et la Renault (15 sponsors). A contrario, la moins fournie est la Haas avec 5 sponsors.

Aussi, les sponsors principaux sont absents ou étant la même marque que l'équipe. Red Bull, Toro Rosso, Renault et Haas sont leur propre sponsor titre. Sauber et McLaren n'en ont pas officiellement, bien que Silanna soit considéré comme un sponsor principal pour l'équipe suisse et que Chandon soit sur l'aileron arrière de la McLaren.

Un constat alarmiste en F1

"Nous aimerions voir plus d'équipes, nous aimerions voir plus de sponsors et nous aimerions voir plus de circuits dans les bons endroits'', déclarait Sean Bratches, directeur commercial de la F1 à Reuters. Difficile d'entendre un tel discours quand on sait que de nombreuses équipes ont disparu ces 25 dernières années, 20 pour être précis. Aussi, 6 équipes ont changé de propriétaires au cours de leurs existences et sont aujourd'hui encore sur la grille :

  • Stewart Ford / Jaguar Racing / Red Bull Racing
  • Minardi F1 Team / Scuderia Toro Rosso
  • Jordan Grand Prix / Midland F1 Racing / Spyker F1 Team / Force India F1 Team
  • Tyrrell / BAR / Honda F1 Racing Team / BrawnGP / Mercedes AMG
  • Sauber / BMW Sauber / Sauber F1 Team
  • Toleman / Benetton / Renault F1 Team / Lotus F1 Team / Renault Sport F1 Team

Le sauvetage d'une équipe devenu complexe

Récemment, Manor a été obligé de fermer ses portes et de retirer son inscription du championnat 2017 de F1. Si des investisseurs se sont intéressés à l'équipe, aucun n'a fait une offre concrète.

"En Premier League ou en Ligue Nationale de Football ou en Bundesliga, si une équipe est à la vente, il y a 30 personnes ou entités qui veulent l'acheter. Lorsque Manor s'éteint, ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous devons donc en faire une meilleure entreprise du côté du promoteur, du côté de l'équipe'', explique le directeur commercial de la F1.

Il faut avouer que l'exposition médiatique n'est plus la même qu'en 2008 par exemple. Ainsi, Bloomberg évaluait l'audience de la F1 cette année-là à 600 millions de téléspectateurs, 200 millions de plus que l'an passé. Mais aujourd'hui, l'exposition médiatique d'une marque en F1 ne se mesure pas uniquement au fait qu'on la voie à la télévision. Les réseaux sociaux, les articles presse et web... De nouveaux canaux de communication offrent aux sponsors une nouvelle visibilité. Mais ils peuvent être liés à un "bad buzz'', qui pourrait mettre à mal la publicité d'une entreprise.

Prenons l'exemple des essais de Barcelone. Nous avons eu de nombreux articles et commentaires négatifs sur la défaillance du moteur Honda qui a mis à mal les essais de McLaren. Il en est allé de même pour Lance Stroll avec trois incidents, dont un qui a obligé Williams à annuler une journée d'essais. Tout est lié, de près ou de loin.

Au bon endroit au bon moment

Bien entendu, il y a un facteur important à prendre en compte : le coût de l'emplacement. Sur l'image ci-dessous, voici les montants moyens déboursés par un sponsor en fonction de l'emplacement qu'il a sur la voiture.

sponsor F1

© FranceF1

Qui dit montant important à payer souligne une bonne exposition. Si le devant du cockpit a une forte exposition télévisuelle du fait des caméras embarquées, les ailerons, le nez, le capot moteur ainsi que les pontons restent des endroits stratégiques.

© Margaux Matrix

Le résultat, élément déterminant pour avoir des sponsors

Gene Haas l'a dit lui-même : "Nous avons eu plus d’intérêt et nous parlons à un certain nombre d’entreprises, mais nous avons rien signé. Je pense que nous aurons quelques sponsors, mais je pense que nous devons encore prouver que nous pouvons courir à ce niveau », déclarait-il à ESPN. L'homme d'affaires américain pointait également du doigt un autre problème : le téléspectateur.

« Dans le sport automobile en général, il y a quelques problèmes de téléspectateurs. Il y a seulement un certain nombre de téléspectateurs qui sont réceptifs aux sponsors. Je pense que tous les circuits ont eu des problèmes en termes de sponsoring et la plupart des équipes que vous voyez ici n’ont pas de sponsors majeurs à l’exception des trois ou quatre meilleures équipes », expliquait-il.

Une relation résultat-sponsor ?

Outre ses derniers propos, on peut supposer que la première partie d'intervention de Gene Haas est une cause réelle aux problèmes de sponsoring, à quelques exceptions près ! Lancée dans sa seconde saison, l'équipe Haas a fini 8e de sa première saison, devançant Renault, Sauber et Manor. Etrangement, la jeunesse de l'équipe Haas fait qu'elle a le moins de sponsors et se retrouve dépendante de son riche investisseur.

Force India a su attirer les sponsors grâce à sa 4e place au championnat et sa constante progression au cours des dernières saisons. Ferrari est une équipe historique et être associée à son nom donne une certaine noblesse. Mercedes, équipe qui domine le championnat du monde de F1 depuis trois saisons déjà, a peu de sponsors affichés sur la voiture, 6 pour être précis (Mercedes, Petronas, Qualcomm, Pirelli, Boss, Epson).

Complexe de faire le lien entre la cause et l'effet, n'est-ce pas ? Pourtant, on pourrait supposer que Mercedes dispose des moyens financiers pour financer son équipe. Ferrari se retrouve face à une nouvelle donne quant à sa restructuration interne via FCA. Quant à Renault, autre constructeur engagé avec son équipe, son sponsoring principal repose sur sa marque mais aussi Infiniti, autre marque du groupe.

Où sont les multinationales ?

Le classement 2015 des entreprises ayant le plus grand chiffre d'affaires au monde met en première position Wal-Mart suivi par State Grid Corporation et CNPC. Ces trois entreprises représentent plus de 1 000 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Seulement, la première entreprise n'est pas engagée en F1 mais en Nascar. La deuxième n'est pas non plus engagée en F1 et encore moins la dernière. Il faut chercher à la 5e place pour voir la première entreprise mondiale engagée en F1, à savoir la Royal Dutch Shell. Suit ExxonMobil, 6e du classement puis BP à la 10e place.

Concrètement, les seules entreprises mondiales présentes dans le top 10 et qui investissent en F1 sont les compagnies pétrolières. Daimler AG, propriétaire de Mercedes, n'est que la 16e entreprise mondiale.

Quand l'alcool remet les pendules à l'heure

Terrible et amer constat, la F1 n'attire pas les multinationales. Cependant, on peut noter que la F1 attire un autre type de sponsoring, plus axé dans ce que Bernie Ecclestone définissait en 2014. Souvenez-vous de son allusion à Rolex et les jeunes. Qu'on le veuille ou non, l'horlogerie a pris une place importante dans le sponsoring, tout comme les alcools. Concernant le premier point, la liste est simple à faire : Rolex est le partenaire de la F1 ; IWC Schaffhausen de Mercedes ; Hublot de Ferrari ; Oris de Williams ; TAG Heuer de Red Bull ; Casio de Toro Rosso ; Richard Mille de Haas et McLaren ; Bell&Ross de Renault et Edox de Sauber.

Aussi, du côté des alcools (à consommer avec modération), Heineken est devenu sponsor de la F1 ; Martini est sponsor-titre de Williams ; Chandon est sponsor de McLaren ; Johnnie Walker est également sponsor de McLaren mais aussi de Force India, également sponsorisé par UB Group.

Enfin, la F1 attire aussi des entreprises de la nouvelle technologie ainsi que des entreprises pétrolières, importante pour le bon fonctionnement d'une voiture de course. N'oublions pas que de nombreuses entreprises sont partenaires des équipes.

Reste à savoir si la nouvelle ère de la F1 fera revenir les sociétés en F1. L'an passé, le budget global des équipes avoisinait les 2 milliards d'euros. Dix ans auparavant, le budget global était plus important de 250 millions d'euros environ. Une chose est certaine, la F1 a souffert du départ des riches cigarettiers...